Au travers de ce livre, Hemingway s'eesaie à une expérience nouvelle pour lui: le récit autobiographique. Son idée est de voir si l'exercice peut être aussi passionnant et intéressant que lorsqu'il invente un univers (réaliste ou non). Evidemment, Hemingway, cabotin, ne choisit pas n'importe quelle partie de sa vie à décrire puisqu'il opte pour son voyage en Afrique et plus particulièrement la chasse qu'il y pratiqua.
Soyons direct, le pari de l'écrivain est réussi. L'auteur, conscient qu'il doit passer par un fil conducteur, voire un objectif principal pour écrire une histoire et maintenir le lecteur captivé, structure son récit autour d'un flashback bien pensé. La chasse est alors décrite comme un évènement incroyable, plein de retournements de situation, et d'une beauté transcendantale.
Plus que la structure, pour un récit si dépouillé d'enjeux dramatiques plus spectaculaires ou plus profonds, l'auteur laisse se déployer sa plus belle plume; ainsi, ses descriptions de paysages suffisent à transporter le lecteur au plus profond de l'Afrique. Ses mots placent le lecteur même derrière son Springfield. Les transitions entre les discussions au coin du feu, les anecdotes de sa vie en Amérique ou en France, et les moments de chasse, sont brutales, mais apparaissent à chaque fois comme naturelles. Hemingway hypnotise son lecteur qui ne s'embête jamais et profite toujours pleinement de l'instant présent raconté.
Personnellement, je ne suis pas adepte de la chasse, je ne voudrai jamais y participer, ayant déjà des remords juste en tuant une mouche. Pourtant je comprends qu'il est nécessaire de tuer un animal pour manger et vivre. Hemingway, heureusement, précise qu'il ne tue jamais gratuitement et fait tout son possible pour que la mort de la bête soit la plus rapide possible. Ce livre est donc l'occasion aux plus pacifistes de tenir une carabine, de ressentir cette adrénaline qu'impose ce sport, et de participer à la mise à mort, sans trop de regrets. Sans trop de regrets , car on en éprouve tout de même, tant l'impression d'avoir tiré semble réelle.
Autre phénomène intéressant, le témoignage que ce livre apporte sur la façon dont les blancs traîtaient les noirs dans leur pays: Hemingway, malgré son statut d'artiste, n'échappe pas à cette domination ni à cette volonté de parfois rabaisser les autochtones. Il reste simple, gentil, respectueux, mais par moment, on ressent le regard supérieur du colon. Mais de toutes façons l'écrivain est un vantard. Donc ça ne choque pas trop. Néanmoins, même si je ne cautionne pas cette attitude déplorable, il faut avouer que cette faculté qu'a l'art de dépeindre son environnement social lors de sa création s'avère toujours intéressant.
Bref, il s'agit d'une grande aventure, sans aucune prétention autre que de raconter une histoire. C'est bon, ça sent la rosée, puis on a chaud, puis on se sent bien; Hemingway est le meilleur des guides.