Récit épistolaire d’une passion unilatérale, Lettre d’une inconnue relate la bouleversante confession d’une jeune femme au bord de la mort, qui vient de perdre son enfant, à un romancier qu’elle aime depuis ses 13 ans.
Et cet amour confine au fanatisme, à l’absolu, tant la pauvre « captive » exclut tout autre sujet de sa vie, tant cet homme, pourtant collectionneur et futile dans ses rapports avec les femmes, accapare l’existence de la demoiselle. Cela en devient troublant, un peu pathétique (sans être ridicule) mais poignant. Tout à la fois cela en est presque incompréhensible, car l’auteure de la lettre, même si elle se montre à certains moments lucide sur le comportement inacceptable de son amant de quelques nuits, n’accable jamais ce dernier, n’en viendra jamais à le haïr et ce même après la mort de son enfant, même couchée au plus profond de la crasse dans cet



 abattoir de la pudeur 



parmi les prostituées et les médecins obscènes. Elle rejette Dieu avant de le rejeter lui.


Cet amour compulsif est quasiment l’unique sujet d’une lettre débordante de passion où les questions les plus graves n’apparaissent que succinctement (les conditions d’accouchement, les relations avec sa famille, son statut social…). Le lecteur constate avec étonnement la brièveté de l’évocation de ces thèmes, la pudeur que semble mettre cette femme dans le récit de sa vie, pour mieux en ressortir avec exaltation son amour inconsidéré d’un homme qu’on en viendrait presque nous à détester. La frontière est mince mais c’est là toute la force de cette lettre d’une inconnue, nous mettre sur la crête d’une falaise sur laquelle on penche vers la haine… retenue par la main de l’auteure qui nous ramène tant bien que mal vers l’amour du romancier autrichien.


Cette lettre à un effet considérable sur le lecteur autant que sur son destinataire, elle remue les sentiments stagnant au fond de l’homme qui tourbillonnent alors et ne peuvent ni laisser indifférents ni provoquer l’agacement ou la dérision envers un récit qui aurait pu tourner dangereusement au pathos. C’est au contraire une déclaration authentique, d’une sincérité absolue et désintéressée qui ne peut qu’émouvoir.

ngc111
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 4 juil. 2017

Critique lue 261 fois

2 j'aime

5 commentaires

ngc111

Écrit par

Critique lue 261 fois

2
5

D'autres avis sur Lettre d'une inconnue

Lettre d'une inconnue
ManouNyu
9

D’Amour à mort

Bouleversant. Démesuré. Ce sont les deux mots qui me restent à l’esprit une fois ce petit livre terminé. Bouleversant, pour le témoignage et démesuré, pour l’amour qu’on peut y lire. Evidemment...

le 8 févr. 2013

79 j'aime

10

Lettre d'une inconnue
Docteur_Jivago
10

L'unicité de l'Amour.

N’étant pas forcément un lecteur assidu, je décidai quand même de me lancer, durant un voyage en train, dans la nouvelle Lettre d’une Inconnue, dont la transposition en film fut l'une de mes plus...

le 30 juin 2014

54 j'aime

19

Lettre d'une inconnue
JZD
10

Critique de Lettre d'une inconnue par J. Z. D.

Juste après Amok, titre phare du recueil, étonnament décevant, juste avant La ruelle au clair de lune, nouvelle sans aucun intérêt, se glissait cette petite lettre d'une cinquantaine de pages,...

le 25 juil. 2012

54 j'aime

16

Du même critique

La Pierre et le Sabre
ngc111
10

Critique de La Pierre et le Sabre par ngc111

Musashi, du nom d'un célèbre samouraï, est bien plus qu'un roman ; c'est un récit initiatique, un parcours auquel on assiste, et dans lequel chacun pourra puiser inspiration, force, et même, si cela...

le 13 avr. 2011

39 j'aime

6

District 9
ngc111
4

Critique de District 9 par ngc111

Toute la partie en forme de parabole sur la ségrégation raciale et communautaire est intéressante, on assiste presque mal à l'aise à l'étalage de la barbarie humaine avec une variété d'attaques qui...

le 15 janv. 2013

32 j'aime

2

Mémoires d'outre-tombe
ngc111
10

Critique de Mémoires d'outre-tombe par ngc111

Je suis finalement arrivé au bout des Mémoires d'outre-tombe. Cela aura été un plaisir quasi-permanent malgré l'importance de l'œuvre et sa densité. Des milliers de pages réparties en 42 livres,...

le 26 sept. 2010

31 j'aime

9