Mise en garde contextuelle: avant d'exposer mon avis, il me faut préciser qu'à titre très très personnel, je trouve qu'il n'y a pas plus chiant qu'un adolescent et que, globalement, leur avis, trompé d'hormones incontrôlables, sur le monde est largement dispensable (ne me jetez pas de cailloux, je sais que c'est pas leur faute, et surtout, que ça passe).


Tout ça pour dire, la 4ème de couverture de ce roman m'avait laissée de marbre dans le flot de sorties de la rentrée littéraire 2018.


Ceci étant dit, après les bons, voire très bons, retours de certains de mes bons, voire très bons amis, et suite au couronnement du roman par l'Académie Goncourt, j'ai acheté le livre, advienne que pourra.


Après avoir laissé pourrir l'objet des semaines durant au bas d'une pile, et la période de vacances facilitant l'ouverture des esprits, j'ai finalement entamé la lecture de ce deuxième roman de Nicolas Mathieu.


On y suit en gros 3 ados (forcément y'a leurs copains autour): Anthony, Stéph et Hacine.


Ils vivent dans la "ville fictive" Heillange (pour Hayange ok... déjà pardon mais c'est un petit peu lourd), une ville désindustrialisée comme tant d'autres, quelque par tout au fond de la Lorraine.


Les gamins s'y emmerdent, disons les mots, alors ils picolent ou se droguent ou s'envoient en l'air, à 14 ans.


Faut dire qu'en somme pas un seul d'entre eux n'a ne serait-ce qu'un parent qui tienne la route: alcoolos, dépressifs, gros beaufs à marcel crasseux, immigré désorienté, chômeur, fat, violent évidemment... d'aucun dirait "gilet jaune" mais je n'entrerai pas dans ce douloureux débat, non non non.


A la limite le père de Hacine est intéressant, pour ce que ça lui rapporte d'ailleurs...


Quoiqu'il en soit on les observe donc s'emmerder pendant 4 étés :1992, 1994, 1996 et enfin 1998 avec sa finale de football et sa France black blanc beur.


De prime abord, évidemment que mon cœur d'enfant des 90's a été touché par Leurs enfants après eux, tant il est rempli des références culturelles qui sont les miennes.


Lorsque l'auteur décrit la première écoute à la radio de Smells like teen spirit dans toute la rage que libérait cette chanson, c'est un vrai un morceau de bravoure.


Il faut dire qu'il sait manier la plume, Nicolas Mathieu, et son écriture très vive, intelligente et drôle est une belle découverte.


Son analyse sociale est extrêmement ancrée dans le réel, ce qui apporte de la puissance aux personnages, et à la narration.


Pour autant, et assez rapidement, les digressions incessantes et longues, longues, sur la misère (à tout point de vue) des personnages, ralentissent le récit, et ont fini par l'interrompre complètement en ce qui me concerne, quand j'ai piqué du nez.


Me vient à l'esprit la Chanson d'automne de Verlaine "les sanglots longs des violons d'automne blessent mon cœur d'une langueur monotone".


C'est à dire qu'au bout d'un moment, à force de ressasser à quel point la vie des protagonistes et de leur entourage est pathétique, on finit par attendre la mort comme un soulagement.


Au moins les personnages de Virginie Despentes, qui ne sont pas moins losers que ceux de Nicolas Mathieu, ont-ils en eux une sorte de flamboyance qui les tient loin de la caricature quand Mathieu est toujours sur le fil...


On comprend bien la détresse de cette France "péri-urbaine", comme on dit maintenant, celle à qui on a vendu les rêves d'une maison avec jardin qui ne leur appartiendra jamais, "de l'avoir plein nos armoires" comme disait le poète, et qui en sont bien revenus.


Mais la limiter ainsi à des êtres sans grandeur, même dans l'échec, dans le médiocre, manque à mon sens de pertinence et rend difficile l'empathie dont a besoin la fiction.


C'est toujours un peu le problème lorsque l'auteur hésite un peu trop entre fiction et réalité, roman et essai socio-politique.


Bon et puis, et c'est la part très très subjective, les humeurs adolescentes franchement, les blablabla "est-ce que tu crois qu'il/elle me kiffe", gnagnagna "mes parents c'est trop des cons j'veux être tout sauf comme eux", on s'en fout un peu.


Qu'on soit clair, le succès de Nicolas Mathieu n'est pas usurpé, son talent est certain.


Ce roman en revanche, est pour moi beaucoup trop long et aurait gagné en rythme et conviction, à être largement élagué.


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Chatlala
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le 16 janv. 2019

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