J’aime savoir, en commençant un livre, que je vais avoir du mal à le reposer et que je vais penser toute la journée au plaisir que j’aurai de m’y replonger le soir et c’est exactement l’effet que ce roman a produit sur moi dès les premières pages.


Année 1992. Nous plongeons dans la vallée où les hauts-fourneaux se sont éteints, laissant les hommes de cette région de l’Est de la France désœuvrés et sans emploi sur plusieurs générations. Anthony et son cousin, issus de la classe ouvrière, Hacine, fils d’immigré, Steph et Clem, de familles bourgeoises, vivent leurs premiers émois au cours d’étés à la chaleur suffocante et moite, où l’ennui étire les jours et où les hormones atteignent leurs pics.


Au fil de 4 étés qui se succèdent, ils vont se croiser, se draguer, se défier dans ce bout de France oubliée. Nous allons les suivre dans leurs péripéties et découvrir entre les lignes, une chronique sur la violence sociale et la grande illusion de l’égalité des chances (Frank Lepage likes this).


« La vie devenait cette suite de prévisions, de rognages minuscules, de privations sans douleur compensées par des plaisirs toujours insuffisants. »


S’il est bien un exercice périlleux en littérature, c’est de faire parler des adolescents avec sa voix d’adulte. Nicolas Mathieu y arrive ici avec brio et c’est ce sentiment d’authenticité qui fait selon moi la réussite de ce roman contemporain d’apprentissage.


Cette oeuvre, rédigée dans un style d’une beauté brute raconte à la fois l’agonie du monde ouvrier, l’immigration et le mythe du retour, la quasi impossibilité d’échapper à la reproduction sociale, l’urgence de grandir, celle de partir, le grand mirage collectif du vivre ensemble qui a suivi la coupe du Monde en 98, la condition féminine…


Je ne saurais dire à quel point ce livre m’a émue par sa justesse, par ces portraits ultra réalistes que dresse le regard acéré de l’auteur, capable de capter et de retranscrire mille détails.

Maïté_Renson
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le 8 août 2019

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Maïté_Renson

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