L’avantage avec Lolita (1955) de Vladimir Nabokov, c’est que l’on rentre assez vite dans l’histoire. Le narrateur prend le parti de t’expliquer. Alors on ne sait pas exactement où il veut en venir mais voilà, toi, lecteur, tu dois comprendre un truc, et pour cela, il faut qu’il remonte un peu en arrière, qu’il partage avec toi sa théorie sur celles qu’il nomme « nymphettes ». La manière qu’il a de te présenter l’existence de ces créatures comme une réalité lui permet de glisser hors de la case du pervers pour se placer du côté de ces « voyageurs ensorcelés ». Il n’hésite pas non plus à rappeler à plusieurs reprises qu’il a beau fantasmer sur des enfants, il reste respectueux des lois et s’en tient aux femmes de son âge. M’enfin, vous vous doutez bien que s’il n’avait pas dépassé la limite il n’y aurait pas d’histoire, et c’est ce qui va l’amener à aborder sa rencontre avec Lolita. On devient alors complice d’une relation tout à fait malsaine servie par une prose qui, comme un mirage, tend à nous faire oublier la terrible réalité endurée par Lolita. De cette jeune fille on ne sait presque rien, elle nous est présentée comme une gamine boudeuse et capricieuse dont le comportement porte à confusion ; en réalité c’est une enfant intrépide, découvrant la sexualité, qui semble, malheureusement, s’être trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Finalement, je crois que pour apprécier cette œuvre, il faut parvenir à rester lucide sur Humbert Humbert, à ne pas se faire avoir par ses manœuvres pour nous amadouer et à le considérer comme un personnage à part entière avec tout l’humour, l’intelligence, la perversité et la manipulation qui le caractérise.