Tout comme Palahniuk, Bret Easton Ellis a parfois une fâcheuse tendance à se répéter. Les gens veulent du Ellis, point barre, en somme du cul, de la coke et une description acerbe de la vacuité de la jeunesse dorée américaine. Après un Glamorama dense, fouillis, il revient en 2005 avec cet étrange roman qui détourne les codes de l'autobiographie.

A vrai dire, tout commence comme du Ellis classique. Finalement, à la lire, on a parfois l'impression qu'il n'est pas loin des personnages qu'il décrit depuis les années quatre-vingt. On y suit donc Bret depuis le succès de Moins que Zéro jusqu'à son mariage, le tout dans un style toujours aussi délicieux, sobre et pas délicat pour un sou. On découvre ses enfants, sa vie de professeur à l'université, et puis l'apparition d'un mystérieux personnage... En la personne de Patrick Bateman, le serial-killer d'American Psycho ! L'auteur semble obsédé par cette figure démoniaque, qui assiste à ses cours, le suit en voiture, s'amuse à le harceler... Un policier l'informe ensuite qu'un taré démoniaque, habillé en Pat Bateman, s'amuse à reproduire les crimes de son best-seller...

Le plus fort réside clairement dans l'introduction du fantastique, peu à peu, dans la vie de l'auteur, de manière presque imperceptible au départ. On se prend au jeu, on frissonne avec Bret, on ne comprend pas. Le malaise est palpable, et Bret se retrouve vite seul, rejeté. Le dernier tiers du livre, étouffant, pathétique pour l'auteur qui sombre dans la folie et reste incompris de ses pairs, s'avère presque lovecraftien dans les termes abordés et dans la description de cette horreur innommable, indescriptible. Certains trouveront peut-être ça grotesque.

Autofiction (Ellis n'a ni femme ni enfants) remarquable, roman policier, fantastique, Lunar Park est aussi une sévère critique de la société actuelle, du manque de communication entre les générations et de la déliquescence progressive de l'éducation, du mode de vie consumériste fondée sur le culte de l'apparence (thèmes habituels chez l'auteur).

Pour autant, ce drôle de mélange n'est jamais indigeste. Brillant, mystérieux (comment démêler le vrai du faux ?), indispensable.
LeChiendeSinope
9
Écrit par

Créée

le 6 oct. 2010

Critique lue 1.8K fois

27 j'aime

4 commentaires

LeChiendeSinope

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

27
4

D'autres avis sur Lunar Park

Lunar Park
Nikki
9

Sixième jouissance.

Il est préférable de lire "Lunar Park" après les autres offrandes de Bret Easton Ellis. Pourquoi ? Tout simplement, car cette autofiction délirante est l'oeuvre finale de l'enfant terrible des...

le 15 janv. 2014

12 j'aime

4

Lunar Park
SpiderJerusalem
3

C'est comme si une dizaine de Stephen King avait bukkaketisé la reliure d'un journal intime encore v

Aujourd'hui : Bret fait de l'aérophagie. Avec ce roman, réputé comme étant son dernier (du moins à l'époque) (c'est le syndrome SAW), Bret Easton Ellis montre de nouveaux des signes d'essoufflement...

le 6 janv. 2011

8 j'aime

9

Lunar Park
Alex_Raimb
9

Hijo de la Luna...

A l'instar de Bukowski avec ses "contes de la folie ordinaire", Bret Easton Ellis s'essaye ici, avec "Lunar park", au récit d'autofiction teinté de fantastique. Les 3 premiers quarts du bouquin sont...

le 7 mars 2010

6 j'aime

Du même critique

Old Boy
LeChiendeSinope
10

Ris et tout le monde rira avec toi, pleure et tu seras le seul à pleurer.

La critique a défoncé ce film. Le traitant parfois de vulgaire jeu-vidéo. N'ont-ils donc rien compris au film, ou est-ce une manière de cracher sur la nouvelle vague sud-coréenne, ou même sur tous...

le 2 avr. 2010

209 j'aime

19

Seul contre tous
LeChiendeSinope
8

Un batôn de dynamite enfoncé à sec dans le cul de la morale française

En matière de film glauque et sordide, je crois que jamais personne n'est allé aussi loin que Noé avec Seul Contre Tous, son tout premier long, qui est en fait la suite directe de Carne sorti en 91...

le 13 mai 2010

115 j'aime

8

Une place à prendre
LeChiendeSinope
7

Critique de Une place à prendre par LeChiendeSinope

Il est enfin là, le nouveau roman de JK Rowling, quelques années déjà après le tout dernier tome des aventures de son sorcier à lunettes. L'exercice est forcément très attendu mais aussi très...

le 1 oct. 2012

101 j'aime

18