« L’odyssée d’un homme de 31 ans qui commet un acte inconsidéré avec ce goût des imprudences et des mauvais choix qu’ont les Slaves. » C’est ainsi que Simon Liberati, préfacier de l’édition française de mASIAfucker, résume la trame de ce roman plein de sable et de sueur. Un écrivain-journaliste de Saint-Petersbourg doit se rendre à Moscou pour aller toucher ses droits d’auteur. Or, au lieu de rentrer ensuite bien sagement chez lui, il monte dans le premier train venu, sans raison, et se retrouve bientôt en Asie centrale, dans des territoires franchement hostiles où il va déambuler de manière un peu aléatoire avec une seule idée en tête : trouver un moyen de rentrer chez lui. Perdu loin de tout, il se remémore des tranches de sa jeunesse. Chien errant parmi les premiers punks soviétiques, il se souvient de ses ratonnades par des parachutistes le prenant pour un homosexuel à cause de ses oreilles percées et de sa relation tumultueuse avec Dietka, une étudiante ouest-allemande qui lui permit brièvement de passer à l’Ouest à une époque où il était « plus prestigieux de se retrouver de l’autre côté du rideau de fer que de franchir la couche de l’atmosphère terrestre ». Il se rappelle cette maquilleuse d’un groupe de rock dont il avait accompagné la tournée lui disant : « Sois ce que tu veux, un danseur de twist, punk, hippie, gay, fasciste, baptiste… mais surtout pas un ringard de soviétique. »


Végétant désespérément du côté de Samarcande chez un caporal alcoolique, il prend un car bondé pour l’Afghanistan, traverse la Bouriatie en voiture, sur les terres de moines pour qui « les vœux de non violence ne semblaient pas associés à la pratique locale du bouddhisme », se glisse dans un Transsibérien traversant une taïga en feu tandis que les trafiquants de métaux attaquent les convois en marche… « Sur le coup de quatre heures de l’après-midi, dans le wagon, il ne restait plus un seul individu de plus de quatorze ans qui ne soit pas ivre. » On est très loin des niaiseries de L’Alchimiste de Coelho, ici le voyage n’a rien d’initiatique, il ne fait que pousser à son point d’incandescence l’absurde de la condition humaine. Soit une forme très russe du tragique.

David_L_Epée
7
Écrit par

Créée

le 13 déc. 2018

Critique lue 63 fois

David_L_Epée

Écrit par

Critique lue 63 fois

Du même critique

La Chambre interdite
David_L_Epée
9

Du film rêvé au rêve filmé

Dans un récent ouvrage (Les théories du cinéma depuis 1945, Armand Colin, 2015), Francesco Casetti expliquait qu’un film, en soi, était une création très proche d’un rêve : même caractère visuel,...

le 20 oct. 2015

32 j'aime

Les Filles au Moyen Âge
David_L_Epée
8

Au temps des saintes, des princesses et des sorcières

Le deuxième long métrage d’Hubert Viel apparaît à la croisée de tant de chemins différents qu’il en devient tout bonnement inclassable. Et pourtant, la richesse et l’éclectisme des influences...

le 6 janv. 2016

20 j'aime

1

I Am Not a Witch
David_L_Epée
6

La petite sorcière embobinée

Il est difficile pour un Occidental de réaliser un film critique sur les structures traditionnelles des sociétés africaines sans qu’on le soupçonne aussitôt de velléités néocolonialistes. Aussi, la...

le 24 août 2017

14 j'aime