Médée
7.8
Médée

livre de Jean Anouilh (1953)

Cette réécriture d'Anouilh fut écrite en 1946, soit dans un contexte de post-seconde guerre mondiale, de désolation individuelle et générale à propos de l'humanité. En effet, comment se relever, continuer de vivre après tant de haine ? Comment réapprendre à aimer ? Et cette Médée nous en propose une réponse, ou tout du moins présente le problème et évolue à partir de celui-ci.
Il y a d'un côté Médée, le mal en personne qui vit de haine et honnit le bonheur. Elle est une femme, une étrangère, une sorcière (cet aspect est cependant très effacé ici) et seul l'amour jusqu'ici la rendait humaine. Anouilh l'a peut-être ressentie comme symbole de la guerre, avec sa haine omniprésente, la xénophobie dont elle est victime : c'est une tsigane dans une roulotte, à l'écart des Corinthiens, à l'écart du bonheur qui va être chassée par le pouvoir en place. C'est la cause du malheur de beaucoup d'humains, de familles (cf Pélias), et n'agit que pour elle ou pour son amant. Et justement, de l'autre côté nous avons les hommes, principalement Jason, cet amant, et Créon, le roi de Corinthe qui veut marier sa fille Créüse avec Jason. Ce dernier accepte en pensant à sa vieillesse et la veut tranquille, et souhaite donc avoir pour épouse une femme respectée de tous et non pas Médée, une étrangère, malgré tous les actes terribles qu'elle a commis pour lui. On ne lui reproche aucun de ses actes, tout comme Créon qui a tué tout autant. Seule Médée leur dira leur lâcheté et leur privilège d'être homme, car elle, commettant des crimes se fait bannir de toutes parts tandis qu'eux sont loués pour leurs gestes héroïques.
Mais cette dimension de disparités cruelles entre hommes et femmes se retrouve moins dans cette pièce que dans celle d'Euripide par exemple, même si la première partie de la pièce en est marquée : "O soleil, si c'est vrai que je viens de toi, pourquoi m'as-tu faite amputée ? Pourquoi m'as-tu faite fille ?". Mais Anouilh va au-delà de cette problématique et voit dans ce mythe un apprentissage de l'humanité pour l'homme, et trouve une sorte de réponse à la question que posent les atrocités de la guerre 39-45 : Comment revivre, encore aimer, goûter un bonheur après l'horreur ? Alors, Anouilh-Jason s'assoit et contemple la guerre-Médée et la comprend avec les explications du passé : crise économique, politique etc ou pour Médée un bannissement de toutes parts, une solitude et donc des retrouvailles avec la haine. Et Anouilh-Jason veut à présent évoluer se dirige vers la raison, l'acceptation, soit Créon et sa fille. Il quitte la bestialité de Médée pour embrasser sa maturité, son humanité. Pour la vie : la "volont[é] de vivre et d'être heureux".

lemony
8
Écrit par

Créée

le 7 mars 2018

Critique lue 723 fois

3 j'aime

2 commentaires

lemony

Écrit par

Critique lue 723 fois

3
2

D'autres avis sur Médée

Médée
Eggdoll
8

Epopée médéenne, suite et fin.

Le Médée d'Anouilh, tout comme son Antigone, font partie des Nouvelles Pièces Noires, selon le classement assez humoristique qu'a fait Anouilh lui-même de ses oeuvres. Et en effet, il y a de nombreux...

le 7 avr. 2012

7 j'aime

Médée
lemony
8

Guerre(s)

Cette réécriture d'Anouilh fut écrite en 1946, soit dans un contexte de post-seconde guerre mondiale, de désolation individuelle et générale à propos de l'humanité. En effet, comment se relever,...

le 7 mars 2018

3 j'aime

2

Médée
WeaponX
7

Critique de Médée par WeaponX

Si je connaissais l'histoire de Médée, je n'en avais jamais lu ou vu de version théâtrale. Anouilh en propose ici une version qui fait moins sorcière au destin tragique, que crise existentielle d'un...

le 24 sept. 2020

1 j'aime

Du même critique

Le Fils de Saul
lemony
9

Happement

J'ai beau inspirer longuement, profondément, mon être persiste dans le néant, et le vide reste vide. Ce film, plutôt cette journée de 48 heures m'a épuisée, a enlevé la (flamme de) vie en moi, me...

le 24 août 2017

3 j'aime

Le Jeune Karl Marx
lemony
8

Germe

Trampoline des jeunes idées de Marx et Engels, on sort de la salle grandi et plein de fougue, sauf peut-être pour les plus renseignés ou sceptiques sur ce sujet. Le film est très didactique, dénouant...

le 7 oct. 2017

1 j'aime

Une vie violente
lemony
6

Une vie violente

Film extrêmement réaliste, mais hermétique, on se sent comme la jeune fille, spectateur neutre. Malgré un début prometteur (hormis la scène d'exposition parisienne, inutile), le milieu du film est...

le 27 août 2017

1 j'aime