Je ne pensais au départ pas lire ça et encore moins l'acheter parce que je n'apprécie pas forcément les idées politiques de Le Pen, mais je me suis laissé tenter, pour voir ce que ça racontait.
Et franchement c'est vraiment pas mal, rien que stylistiquement on sent que Le Pen a une culture, son vocabulaire est riche, mais sans que ses phrases deviennent incompréhensibles pour le lecteur car celles-ci restent assez simples. Je dirais même que c'est agréable à lire et que l'on ne nous prend pas pour un con.


Le livre est assez calme, on n'a pas ici de gros éclats de voix contre ceci ou contre cela, il raconte d'abord, comme c'est d'usage dans les mémoires, son enfance. C'est assez habile de sa part puisque ça permet, même pour ses adversaires, d'éprouver de l'empathie. En effet, qui seraient les pisse-froid qui rejoindraient Hitler en pensée qui ne sauraient être émus d'un gamin qui perd son père alors qu'il est encore adolescent ?


Bien sûr, blague à part, Le Pen n'est pas là pour faire chialer dans les chaumières sur son triste sort, mais imaginer Le Pen gamin ça permet vraiment d'humaniser ce type qui est décrit depuis des années comme un monstre.


Les mémoires s'arrêtent avec la création du front national et donc nous avons droit à ses réflexions sur la seconde guerre mondiale, sur la guerre d'Indochine, la guerre d'Algérie et ses fameuses tortures, etc. Il développe son anticommunisme et son amour de la France qui on mené à sa participation comme volontaire à la guerre d'Indochine. Et c'est ça qui est intéressant dans l'ouvrage c'est qu'on a un témoignage de l'autre côté, du côté du « mal » absolu que serait Le Pen, le raciste le bourreau d'Algérie, etc. En fait on comprend, car il prend le temps de l'expliquer, posément, ce qu'était réellement la torture en Algérie, pourquoi elle a été faite. Il s'agissait d'empêcher des attentats à Alger. Je suppose qu'un certain nombre de citoyens français seraient prêts à cautionner la torture pour éviter des attentats en France. Alors je ne sais pas si c'est la vérité, s'il ment, s'il déforme la réalité, ou s'il répète juste ce qu'on lui avait dit à l'époque, mais la remise en contexte n'est pas inutile et permet d'avoir justement un autre son de cloche de la part de quelqu'un qui a fait cette guerre. D'ailleurs il stipule clairement que les tortures françaises n'avaient rien à voir avec celles qu'ont pratiquées les vietnamiens quelques années auparavant sur des militaires français, mais également sur les civils.


Bref, tout n'est pas tout noir ou tout blanc et la vérité est sans doute quelque part entre les deux. Il va jusqu'à critiquer la page Wikipédia sur la guerre d'Algérie et notamment sur certains massacres car il ne les trouve pas objectives. Alors certes, mais là où c'est plus intéressant c'est qu'il explique la page sur la bataille de Dunkerque durant la seconde guerre mondiale a longtemps été une page traduite de l'anglais et adoptait donc un point de vue anglais sur la bataille ne permettant pas de mettre en valeur les actions de l'armée française durant cette bataille.


Toutes ces affirmations restent bien entendu à vérifier, mais il a le mérite de poser, de manière plus ou moins détournée, la question de l'écriture de l'Histoire.


Toute la fin de l'ouvrage est consacrée à De Gaulle et les reproches que peut lui faire Le Pen. Il ricane d'ailleurs un peu, vu qu'il reproche à De Gaulle n'avoir trahit la France et les patriotes, de voir Morano se faire épingler pour sa citation sur la Franche blanche et chrétienne, car De Gaulle maintenant est considéré comme bien trop national.
Le Pen reproche donc à De Gaulle sa trahison de la France et sa trahison notamment en Algérie où il a abandonné les pieds noirs. Mais pas que, il dit ne jamais lui avoir pardonné de ne pas avoir gracié Brasillach, je jeune poète qui menait le journal collabo Je suis partout. Rien que pour ça je pense que le livre mérite d'être lu, notamment à une époque où tout le monde se revendique de De Gaulle, tout le monde veut être son héritier, tout le monde se dit gaulliste, alors qu'à l'époque il n'était pas forcément tant apprécié que cela par la population, notamment à cause de l'abandon de l'Algérie Française.


Et c'est donc vrai qu'il était cocasse de voir un Philippot qui se dit gaulliste au Front National. D'ailleurs à la mort du Général et lors de sa démission en 1969 Le Pen avoue ne plus savoir sur quel pied danser vu que le demi-dictateur comme il l'appelait n'était plus au pouvoir et il n'avait donc plus nécessairement d'ennemi politique à abattre (ou du moins l'ennemi principal était évincé définitivement).


Bref, ça apporte un autre regard sur la politique de cette époque là, qu'on soit d'accord ou non avec les idées de Le Pen. D'ailleurs c'est un livre est vraiment très peu politique. J'ai juste noté un passage sur le grand remplacement appuyé sur des chiffres de l'immigration de l'Insee qui auraient été sous-évalués, puis réévalués ultérieurement à la hausse (plus du double), dans l'indifférence générale. Il annonce ainsi que la France est déjà perdue...


Il montre par ailleurs son attachement à la République Française en ne se disant pas passéiste (monarchiste) et qu'il vivait avec son temps.


En somme c'est avant tout un autre éclairage de l'Histoire, à contre-balancer, à nuancer sans doute, mais qui reste intéressant, qui ne se lâche pas une fois en main, car encore une fois pas mal écrit du tout.

Moizi
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le 4 mars 2018

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Moizi

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