A priori, je ne suis pas un grand amateur de romans historiques, même écrits par des grands (qui a dit "Salammbô" ?).
Marguerite Yourcenar me donne l'impression de ces demoiselles trotte-menu, grises, fines et poussiéreuses, coiffées à la façon de Bertrand Du Guesclin, qu'on voit parfois circuler dans les réserves des bibliothèques ; on s'étonne qu'elles se soient échappées des rayonnages, on voudrait leur dire de regagner leur étagère, à la cote 480. Elles ont fini par acquérir l'âge de l'objet de leurs études.
Dirait-elle que sa plus grande qualité est la rigueur ? Cette femme a quelque chose de vénérable. En m'imaginant le manuscrit des "Mémoires d'Hadrien", je vois plusieurs hautes piles de feuilles jaunies, soigneusement classées par chapitre, chacune des sections de ces chapitres méthodiquement entourée d'un élastique devenu granuleux. Chaque page est recouverte d'une écriture régulière, noire, fine, et la calligraphie n'y exclut pas les ratures et les ajouts. On y trouve de longs passages en grec et en latin.
Autrement dit, les "Mémoires d'Hadrien" m'ont donné l'impression d'une maquette historiquement parfaite et reconstituée avec minutie, mais à laquelle il manque de la vie et du bruit.