Ce livre a été écrit par Emile Souvestre, érudit du XIXe qui a consacré de nombreux ouvrages antiquaires à la Bretagne, et qui explique, dans une belle préface, qu'il a voulu donné une forme plus vivante aux souvenirs que lui avaient confiés des vieillards bretons sur l'époque de la Terreur pour leur donner une forme vivante, celle des mémoires. Hugo fit accorder une récompense à l'ouvrage pour son aspect moral (dans le bon sens). Il y a une introduction qui rappelle efficacement le contexte révolutionnaire, en France et en Bretagne, et un index biographique pas très bien amené.


Le héros naît à Guinguamp d'un père propriétaire d'un petit atelier. Confié à une nourrice en ferme, et étant le cadet, il est destiné à rejoindre les ordres, alors que son tempérament violent, et le fait que les ordres lui ait ravi son seul ami d'enfance, Joseph, il refuse et est enfermé par un vicaire inhumain, Bernard (chap. 1-6). Revenu dans sa famille, alors que son frère aîné Laurent se pose en successeur de son père, il est témoin d'une bonne qui est chassée car elle a été engrossée par Laurent. La pauvrette se suicide, et le héros s'enfuit et refait sa vie comme commis d'écriture chez un commerçant de Rennes (chap. 6-11).


Arrivent les troubles du parlement breton en 1788, auquel le héros prend part, témoin de l'agitation estudiantine menée par Moreau et Volney contre les envoyés du rois, MM. de Molleville et de Thiard, et l'apparition de la Sentinelle du peuple. Eloigné par son patron à Brest, le héros est témoin des tensions avec les cadets de la marine, ces nobles fats qui écrasent les vrais talents, comme Charles Cornic (chap. 12-17).


Les parents du héros meurent, et il peut s'installer à son compte à Rennes (son commerce n'est jamais décrit en détail). Il apprend que Joseph a fini son séminaire, mais ne peut dire la messe, faute d'avoir juré. En déplacement à Locmora, le héros tombe sur un rassemblement de chouans, et les paysans dont il doit renouveler le bail ont l'air fort suspect. Se faufilant hors de sa chambre, il est témoin d'une messe de prêtre réfractaire menée par Bernard, qui tient un discours fanatique. Le lendemain, Bernard, déguisé en paysan, va être embarqué par la troupe républicaine, mais le héros le dit son domestique, mais le force ensuite à prendre une barque pour s'exiler en Angleterre (chap. 18-21).


Le reste du roman décrit divers épisodes de la guerre contre les chouans. Plusieurs chapitres sont consacrés à Tuffin de la Rouërie, un chef chouan insaisissable, dont on finit par découvrir que ses complices, les chatelains de la Hunaudaie, dissimulent sa mort (chap. 23-25). Puis plusieurs chapitres où le héros est volontaire contre les troupes royalistes (chap. 26-28).


Vient ensuite l'épisode de la guerre contre les Girondins. Le héros prend contact avec plusieurs conventionnels girondins cachés dans la région de Quimper, et qu'il aide à partir pour la Gironde. Il est témoin de la montée de la fureur jacobine à Rennes (chap. 29-35).


Le héros accepte ensuite d'aider à fuir la fille d'un émigré, une vraie damsel in distress. Il arrive à passer un barrage par ruse, avec l'aide de Pierre, un ami. S'attendant à être poursuivis et rattrapés, ils piquent dans un chemin de traverse et sont capturés par les chouans. Mais certains sont des amis d'enfance de Pierre, et grâce à la jeune fille, nos héros ne sont pas égorgés (chap. 36-38).


Les chapitres qui suivent sont une plongée au coeur de l'horreur, le héros passant à Nantes au moment du paroxysme de la répression de Carrier. Scènes dantesques d'une ville livrée à la folie sanguinaire. Le héros parvient, grâce à la maîtresse de Carrier, à faire libérer un ami, M. Benoist (chap. 29-45). Les deux chapitres suivant décrivent le même carnage à Brest, puis la fin de Robespierre et des enragés.


Les derniers chapitres s'attachent au personnage de Boishardy, chef chouan sublime, qui finit par accepter une trêve. Le héros le rencontre dans une auberge, alors qu'il l'avait déjà vu et le prenait simplement pour un fort sympathique voyageur. Il est témoin des dissensions entre des chefs de maquis qui acceptent de lourds sacrifices et l'arrogance des aristocrates en exil. Le tout préfigure l'échec de la baie de Quiberon.


Le livre se clôt sur le retour de Joseph, tout heureux de pouvoir reprendre ses fonctions de prêtre après l'amnistie


.


Le début fait énormément penser à du Rousseau ; la suite prend plutôt l'aspect d'un roman picaresque soucieux du détail, qui fait de la couleur locale sans appuyer. Si j'ai quelque chose à reprocher, c'est plutôt la dramaturgie. Le héros, dont il n'est pas anodin qu'on ne sache pas le nom, a peu d'épaisseur hormis ses années de jeunesse. Dès que le livre se lance dans la trame révolutionnaire, il devient un héros picaresque assez générique. Par ailleurs, la volonté de réalisme du livre souffre d'une trame qui fait que le héros se trouve toujours pile à l'endroit où il se passe quelque chose, où il peut rencontrer des personnages historiques rapportant des propos dignes de Plutarque.


Ce n'en est pas moins une reconstitution intéressante et vivante de la guerre contre les chouans, qui fait pendant aux ouvrages de Hugo et Balzac. Les allusions au cannibalisme et aux dérèglements moraux sous la dictature de Carrier font frémir....

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le 8 sept. 2015

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