Gallmeister frappe fort. Cette fois, les éditions empoisonnent littéralement le lecteur, pour l’achever dans une ultime ecalade létifère. Un roman noir à la tonalité purement organique, orchestrant les confusions d’un dérèglement anarchique, l’exécution presque musicale des mots qui palpitent et crèvent un équilibre semblant.


Au fil des pages, Gabriel Tallent esquisse une nature vivante, terriblement grippante et grimpante dans l’esprit du lecteur. Ce néo-naturalisme, dans ses constances et destructions, devient qualité du récit. Nature et complexion sont l’acompte de ce qui restera à l’héroïne, Turtle, pour solder sa propre vie.
Ce qui la sauve toujours, se sont le vomi constant des flots, les pins qui dansent sur les crêtes, les virages sans visibilité où se dressent des champs hirsutes et silencieux qui se couchent dans la nuit, des amitiés fortuites, parmi lesquels elle est à la fois cet épi qui plie mais en se redressant, n’est jamais le même. Mère-nature qui macule ses bottes de boue, métaphore d’une réalité putride, grattée à coups d’ongles qui s’arrachent en un tournemain, mais qui finit par solidifier un équilibre qui semble à jamais rompu…et pourri.


La réalité est transitive pour l’héroïne, qui ne peut rien sédimenter de son histoire familiale, bien qu’elle s’y essaie avec fougue malgré les viols répétés de son père; les interdictions et châtiments qu’il lui inflige en étant captive dans ses corps et esprit ne sont que l’expression primitive d’une morale dont elle n’arrive pas à s’affranchir, mais qui la conduiront finalement à dissoudre sa propre sensibilité dans ce qui représente une ultime épreuve pour elle : la confrontation d’Eros et Thanatos, les forces de vie et de mort, dont la force accélératrice proviendra de ses maigres contacts extérieurs.


Un cri de volonté et de liberté, qui questionne aussi finalement l’indifférence et ses conséquences. Et pour ce qui est de l'écriture, les "classiques" ne pourraient rien envier à ce roman, d'une qualité littéraire exceptionnelle.

MarianneBordreau
10

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Créée

le 10 juil. 2018

Critique lue 184 fois

Cephise Lanoire

Écrit par

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