No angel
7.1
No angel

livre de Jay Dobyns ()

Immersion chez les anges de l'enfer

Jay Dobyns a toujours été un sportif challengeur et compétitif. Suite à une mauvaise blessure, il oriente sa carrière vers la police, où il devient un agent du BATF (Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms and Explosives). La mission qui va être la sienne durant deux années, et qui est le sujet de ce livre, sera à jamais la plus marquante de sa carrière.

En 2001, il infiltre le plus célèbre des clubs de motards américains, les Hells Angels, dans le but d’amasser assez des preuves pour les inculper sous l’accusation de crime organisé.

Jay Dobyns va ainsi devenir « Bird », membre des Solo Anges, club de motard qu’il anime avec différents agents infiltrés et repris de justice qui sont devenus des « indics » au fil des années. Avec son physique de culturiste, sa harley, ses tatouages, et son franc parler, Bird se fait rapidement remarquer et apprécier. Rapidement et presque trop facilement, note t-il. Un de ses membres les plus solide, Bad Bob, le prend sous sa protection, et lui conseillera de quitter les Solo Angels pour devenir un prospect chez les Hells Angels, c’est à dire un postulant au rang de membre officiel.

Pour Bird la plongée en apnée commence. Il étaye sa nouvelle identité, celle d’huissier mercenaire, il s’invente un passé de drogué qui lui interdit de retoucher à quoi que ce soit (un agent infiltré ne peut même pas consommer de marijuana sous peine de risquer son dossier le jour de l’audience !), il a une petite amie (un agent infiltré également), il aime les armes et est un sacré bagarreur….Bref, il a tout pour plaire. Mais sa témérité n’est pas que feinte. Ambitieux, exigent, impatient, il dépassera toutes les limites de sa hiérarchie pour simuler le meurtre d’un membre d’un gang rival afin de gagner plus rapidement ses gallons.

Dévoré par son ambition, son moral et son intégrité vacillent. Retrouver les limites de son rôle lui paraît de plus en plus déroutant.

Jay prenait les HA de haut. En débutant sa carrière d’agent infiltré, il se voyait côtoyer des bandits en costume trois pièces, fréquenter les plus belles femmes et enquêter sur la drogue la plus pure et les armes les plus dangereuses. Il lui semble ne fréquenter que des délinquants sous meth, des femmes battues, des prostitués à la sauvette et des enfants sans avenirs.

La facilité avec laquelle il crée des liens le dépasse lui-même, il est le premier à voir les failles de son plan ; leurs blousons sont de toute évidence neufs et n’ont jamais été portés, il s’invente un passé de camé pour ne toucher à rien et ne prend pas les mêmes risques à moto. Et pourtant….Bird se prend au jeu.

Jay définit au début du livre sa famille comme de sa « carte postale ». Sa femme l’aime, et s’occupe bien des enfants. Son fils fait du sport, sa fille joue de la guitare. Quand il a quelque jours de repos il vient s’occuper du jardin.

Mais petit à petit il n’arrive plus à laisser Bird à la porte. Il rentre sale et habillé en motard, il lui semble perdre son temps lorsqu’il est chez lui, à tel point que sa famille évite de s’y trouver en même temps.

Pour tenir le coup, Jay abuse de toutes sortes de médicaments et commence à se perdre entre ses deux personnages. Lui qui voyait les choses de façon si manichéenne, entre sa carte postale familiale et ses bandits de bas étage commence à ne plus savoir s’il est d’avantage lui-même dans les habits de Bird ou dans ceux de Jay…

Quelque chose le fascine chez les HA. Et pourtant ce n’est même pas la moto, hobby qu’il n’affectionne même pas spécialement. Quelque chose dans leur fraternité, dans la folle extrémité de leurs liens lui donnerait presque envie de confier sa vie à ses « frères ». Le genre de camaraderie que l’on crée au front ou dans les situations de rare intensité de l’existence.

Mais l’expérience doit bien prendre fin, et le piège se refermer.

Peut-être est-ce le reste d’une certaine culpabilité si cette partie de l’affaire est la moins détaillée (le livre fait pourtant plus de 500 pages.).

Cette fin un peu rapide gâche quelque peu le style soutenu du récit. S’il ne s’agit en aucun cas de grande littérature, le sujet reste passionnant et bien mené. Dobyns affronte clairement la destruction de son monde manichéen, et de sa morale américaine. Le ton simpliste des premières pages laisse la place à une introspection plus profonde, d’un homme plus complexe qu’il n’y paraît sur un système moins opaque et moins simple que l’image d’Epinal que l’on en connaît.

Emma Breton
madamedub
7
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le 20 janv. 2014

Critique lue 224 fois

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