(Très bonne) littérature australienne féminine : suite. On ne cesse de découvrir de nouvelles romancières des antipodes à mesure que les traductions nous parviennent et il est rare d'être déçu. Avec Nos contrées sauvages de Cate Kennedy, il y a même de quoi être totalement séduit pour ce qui est la première incursion au long cours de celle qui a été surnommée dans son pays "la reine de la nouvelle." Elle tient facilement la distance sur près de 400 pages, l'intérêt ne faisant que grandir au fil de la lecture. Au demeurant, les personnages semblent un tantinet caricaturaux : la mère, bloquée dans ses années hippies ; la fille néo-gothique anorexique ; le père, qui s'est éclipsé dès la naissance de sa progéniture et n'a cessé de fuir tout au long de sa vie. Jusqu'au jour où, à l'aube des 15 ans de sa fille, il lui propose une randonnée d'une semaine en Tasmanie, au grand dam de son ex. D'un côté, le périple de deux "inconnus" qui vont devoir apprendre à se connaître ; de l'autre, une femme déboussolée sans son ado qui va tenter de recharger ses accus fatigués dans une cure "new age." En se plongeant alternativement dans la tête de ses trois personnages, Cate Kennedy revisite leur passé et leur fait surtout affronter leur lâcheté et leur égoïsme. Autant le dire : les deux adultes sont pathétiques et la romancière ne leur pardonne rien. Mais elle l'écrit avec un style imparable d'une cruelle lucidité relevée de touches d'humour et d'ironie dévastatrices. Le livre est un régal et pourrait verser dans le cynisme alors qu'il est tout l'inverse. Cate Kennedy a une vraie tendresse pour ses héros alors qu'ils sont le plus souvent ridicules, comme s'ils n'avaient jamais grandi depuis leur principal fait d'arme écologiste, bien des années plus tôt, avant la naissance de leur enfant. Laquelle, soit dit en passant, est la plus mûre et la plus responsable du trio, en dépit de son jeune âge. Autre grande réussite du livre : sa description de la Tasmanie, certes devenue une région touristique, mais qui garde son aura de mystère et son caractère dangereux, avec sa météo changeante. Le tigre de Tasmanie, dont l'espèce a officiellement disparu dans les années 30, est la vedette de l'ombre de ce livre épatant qui oscille entre le drame pur et la comédie de moeurs avec une maestria jamais démentie. Depuis 2009, date de la parution de l'ouvrage en Australie, Cate Kennedy n'a plus écrit de roman. Au vu de la qualité de Nos contrées sauvages, on n'a qu'une envie : qu'elle récidive le plus vite possible.

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le 5 janv. 2017

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