Oscar Martello, richissime producteur, sorte d'Harvey Weinstein italien (et on appréciera je pense d'autant plus la résonance que peut prendre ce roman aujourd'hui) , jouissant pleinement de sa toute-puissance est l'homme que vous adorerez détester. Ou plutôt, dans mon cas, que je me suis passablement ennuyée à détester parce que rien n'a éveillé mon intérêt dans l'étalage de fric et de frasques d'un univers machiste où le but de toute femme semble être de rester baisable pour avoir un rôle ou obtenir un mariage qui lui assurera de vivre dans un écrin doré aux frais d'un quelconque pervers narcissique. C'était long, beaucoup trop, j'ai pensé plusieurs fois mettre un terme à ma lecture et me suis accrochée pour la seule raison que je le lisais dans le cadre d'un prix littéraire et que je ne voulais pas me permettre de juger une oeuvre sans l'avoir lue entièrement. Je ne l'ai pas regretté car il y a beaucoup de bonnes choses par la suite mais je ne peux pas ne pas en tenir compte dans ma notation.
Il m'a fallu atteindre la page 265 (oui oui sur 322 pages et 4 lignes que composent le roman) pour qu'enfin émerge de tout ça de superbes lignes décrivant avec acuité les failles de l'être humain dans une intrigue qui, somme toute, n'est qu'un prétexte à la réflexion.
Andrea est le meilleur ami d'Oscar. À la question "Pourquoi es-tu son ami?" il semble cependant avoir du mal à répondre. En bon producteur, Oscar a distribué les rôles et Andrea sera son meilleur ami pour la vie. Personne ne semble résister à sa volonté, personne ne semble avoir de libre arbitre. Oscar est puissant, Oscar est riche, Oscar est créatif, autoritaire. Au cinéma comme dans la vie, Oscar décide de qui fera quoi. Est-ce que cela choque? Sans doute. Quelqu'un s'opposerait-il à sa volonté? Peu probable, du moins tant qu'il est au sommet.
Pino Corrias nous dit, avec beaucoup d'indulgence, que dans les films Dolceroma tout le monde est tellement coupable que personne ne l'est vraiment. Peut-être qu'au contraire tout le monde l'est un peu. En une phrase "Peut-être que ce qu'il faisait aux autres, il ne te le faisait pas à toi, et tout allait bien?", l'auteur met le doigt sur l'une des principales causes de l'inaction.
Pas une fois Andrea n'a semblé perturbé par les commentaires graveleux d'Oscar, ses agissement pervers, son manque de respect envers les femmes, les scénaristes, les employés de maison, ou toute autre personne de son entourage, jusqu'à ce que tout ça le touche d'un peu plus près, que le drame qui s'ensuive ne puisse pas être automatiquement refoulé dans le coin de son cerveau réservé aux choses dont on se complaît à ignorer la gravité.
Jusqu'au scandale, à la prise de conscience de tous. La sentence tombe : Oscar est un porc. Personne ne l'ignorait mais il est bien plus aisé d'hurler avec les loups que de dénoncer les choses quand elles ne paraissent gêner que les victimes. Oscar est déchu mais les choses se tasseront, les loups hurlants redeviendront moutons bêlants et il pourra recommencer à distribuer des rôles délestant de ce fardeau ceux qui ne savent pas se créer une vie qui leur ressemble.
Si les Oscar de ce monde sont si puissants, c'est en grande partie parce que nous les laissons faire.