Twist à Giverny

Spoilers majeurs

J'aurais aimé pouvoir mieux noter ce livre. Pour être honnête, j'ai passé 90% du bouquin à me demander si j'allais lui mettre un 8 ou plutôt un 9, qui restent des notes relativement peu fréquentes dans mon historique Sens Critique. J'ai adoré cette plongée dans la petite ville de Giverny, si bien décrite qu'on à l'impression de la connaître sans y être jamais allé. J'ai adoré en apprendre plus sur Monet, son oeuvre, l’impressionnisme et la peinture en général qui sont pourtant des thématiques qui m'étaient jusque là étrangères et auxquelles je ne connais pas grand chose. J'ai adoré la galerie de personnages présentés, notamment Laurenç, l'inspecteur beau gosse mais néanmoins un peu bourru avec sa moto et son blouson en cuir, son adjoint Sylvio, sa maniaquerie et sa collection de barbecues, ou encore cette vieille acariâtre de narratrice. J'ai adoré la façon de Bussi de décrire les autres femmes de son roman, dont il a presque réussi à me faire tomber amoureux au travers de l'écran de ma liseuse.

Et puis vient le fin mot de l'histoire. Le twist. Les trois femmes présentées et qu'on suit tout au long du roman n'en sont en fait qu'une seule. Le crime qu'on nous narre depuis le départ a eu lieu non pas en 2010 mais en 1963, quand la vieille acariâtre était encore une superbe jeune femme. Une idée de temporalité multiple mais d'un personnage unique qui, ainsi énoncée, peut paraître brillante, et que j'ai d'ailleurs aimée sur le coup. Et puis, je me suis dit que j'allais quand même essayer une relecture en diagonale des passages-clé du bouquin pour voir si l'écriture était cohérente avec ce fameux twist. Et c'est là que le bât a un peu blessé.

Ce n'est pas le fait que la narratrice ait eu 5 ou 6 chiens tous affublés du même nom au cours de sa vie qui m'a dérangé. Pas commun, mais après tout, pourquoi pas. Ça n'est pas non plus le stratagème de changer le prénom des protagonistes lorsqu'ils étaient enfants pour ne pas qu'on fasse le rapprochement. J'ai même trouvé ça plutôt bien vu, après tout les enfants ont souvent tendance a se donner des sobriquets ou d'autres prénoms pour jouer à être quelqu'un d'autre.

Ce qui est beaucoup moins bien passé, ce sont les scènes de la narratrice, la "vieille folle" comme elle se décrit elle-même, dans lesquelles on nous donne vraiment l'impression qu'elle interagit en temps réel avec les personnages des temporalités passées. On comprendra sur la fin qu'il s'agissait là de souvenirs mêlés au présent, néanmoins à la relecture, rien ne peut ne serait-ce que nous aiguiller sur cette hypothèse. Et non pas parce que c'est écrit subtilement, mais parce que les scènes sont décrites avec moult détails dont on peut raisonnablement douter qu'une personne de 80 ans se souvienne 70 ou 50 ans après, selon les temporalités. A aucun moment on ne nous laisse ne serait-ce qu'un indice qui aurait pu permettre de penser à ces différentes temporalités ou nous faire douter que tout ne se passe pas en temps réel. J'aurai été le premier content de me faire berner par quelque chose de subtil donc ce n'est pas une question d’orgueil blessé, mais en relisant je n'ai pu m'empêcher de trouver le procédé grossier et pas forcément très honnête.

Un beau château de carte dont j'ai apprécié une grande partie mais qui s'est donc malheureusement écroulé sur la fin. Ça ne m'empêchera probablement pas de lire d'autres Bussi, dont j'ai apprécié la plume dans ce livre à défaut d'apprécier son twist.