Alexandre Yersin (1863-1943) n’est pas un homme ordinaire. C’est un passionné, un touche à tout qui a besoin de toujours tout savoir sur tout. Un homme brillant, curieux, doué d’une force de travail extraordinaire. Un esprit scientifique hors du commun, méthodique, visionnaire et dénué de toute vanité. Jamais il n’a recherché la gloire. Ni la fortune qui pourtant était à ses pieds. Mais un ermite misanthrope attaché à quelques hommes de talent dont il sut habilement s’entourer.
Suisse de naissance, il prend la nationalité française pour pouvoir enseigner et travailler à l’Institut Pasteur qu’il intègre à sa création. Sous la coupe de celui qui vainquit la rage, Yersin étudie, expérimente, teste, cherche. Et trouve. Après avoir travaillé sur la tuberculose et la diphtérie, il découvre à Hong Kong le bacille de la peste, élabore vaccin et sérum curatif.
Mais la microbiologie n’est pas assez vaste pour cet homme qui se lasse vite. Déjà son regard porte au loin dans cette Indochine française où il s’est installé à demeure. Il s’essaie à l’élevage : des chevaux qui lui servent à fabriquer les vaccins anti pesteux. Puis à l’agriculture pour l’alimentation de son cheptel. Et régisseur, pour administrer son immense domaine qui ne cesse de s’étendre.
Il s’écarte bientôt du littoral connu pour pénétrer à l’intérieur du pays. Le médecin-éleveur-agriculteur-régisseur se fait explorateur. Ses comptes rendus à la précision chirurgicale sont cette fois destinés aux sociétés de géographie. Il acclimate ensuite sur ses terres le quinquina. Avec succès. S’ensuit une production de quinine destinée à lutter contre le paludisme qui fait des ravages dans la région. Puis c’est au tour de l’hévéa qui lui permet de produire du caoutchouc. Caoutchouc qui arrive sur le marché à point nommé pour le développement de l’automobile. Et donc du pneu. Un contrat très lucratif et passé avec Michelin. Yersin tâte aussi la cocaïne (à des fins médicales, la substance n’est pas encore arrivée sur le marché des stupéfiants). Il invente également le coca mais ne dépose pas le brevet qui aurait fait de lui un multimilliardaire. Il se passionne pour l’astronomie, l’automobile, la navigation, l’aéronautique balbutiante...
Patrick Deville consacre son livre à un génie dont le nom a été oublié du plus grand nombre. En Europe du moins car nous dit-il, Yersin – à l’instar de Pasteur – est une célébrité au Vietnam, son pays d’adoption.
Une biographie passionnante et jamais ennuyeuse grâce à l’étonnante écriture de l’auteur. Un ton propre aux conversations badines, légères, émaillées d’interjections et de commentaires humoristiques, notamment sur les possibilités qu’auraient eu Yersin s’il avait vécu un siècle plus tard. Mais voilà nous dit Patrick Deville, Yersin vécu à son époque et fut forcé de faire avec.
Un livre très agréable grâce auquel j’ai beaucoup appris. Et d’une façon on ne peut plus agréable. Une bien belle lecture !
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le 19 mars 2013

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