Alexander Portnoy, un jeune Juif du New Jersey, complexé par sa judéité et submergé par son appétit sexuel, deux thèmes a priori sans aucun lien entre eux sauf à avoir loupé le propos, se confie sous forme d'un monologue ininterrompu à son psychanalyste. Voilà en quelques mots l'esprit de ce roman de Philip Roth, écrivain contemporain majeur malheureusement décédé récemment.
Complètement séduit par deux de ses bouquins, je crois qu'avant même l'avoir commencé, Portnoy et son complexe m'avait conquis d'avance. C'était une erreur puisque force est de constater que j'ai plutôt souffert à sa lecture. A part quelques moments de pur régal lorsque le narrateur s'en prend sans détour à ses parents et à sa religion avec un ton et des mots qui m'ont ravi par leur irrévérence, le reste m'a laissé un arrière-goût indigeste.
Soyons clairs, n'est pas en cause le fond du récit, c'est à dire les névroses de ce jeune homme dont on suit le parcours entre les années cinquante et les années soixante. C'est amusant de lire les détails de son obsession à vouloir s'affranchir d'une famille étouffante, à rejeter une communauté qui l'éloigne des autres Américains (et des "schikses" ou femmes goy représentant le fantasme absolu) et ceux éminemment scabreux de sa vie sexuelle racontés en long, en large et en travers. De ce point de vue là, l'audace et le manque de filtre dont fait preuve Philip Roth sont remarquables.
En revanche, l’écriture elle-même m'a perdu. Le récit est à l’emporte pièce, schizophrène, hyperactif et très oral. Il passe du coq à l’âne sans véritable temps de respiration. Par son foisonnement, l'ensemble m'a largement déconcentré. Du roman Un homme de Philip Roth, lu auparavant, j'avais gardé en mémoire la sensibilité, la pudeur, la retenue, l'universalité et la cohérence. Ici l'exercice est dans l'outrance et donc à contre-pied. Un exercice de style qui manifestement a fait ses preuves puisque Portnoy et son complexe paraît avoir été déterminant dans l'oeuvre de l'auteur américain.

Sorel
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le 16 avr. 2019

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