Enfin les vacances ! C'est fini, on peut souffler un bon coup, se remettre des dernières semaines, éprouvantes, harassantes, fébriles. Enfin ! On peut enfin lire pour le plaisir. Finies, les journées interminables penchée sur la table d'étude. Terminés, les examens de fin d'année. Évanouies, les soirées aux yeux sans larmes d'avoir examiné sans ciller des heures durant les notes accumulées pendant l'année. Et comment se délasser l'esprit, après avoir dormi de tout son saoul d'un samedi à un autre ? En lisant un bon policier, naturellement, comme Quand sort la Recluse ! Ah, lire sans encombre, avec divertissement, rires, satisfaction, frissons, émotions !
Quand sort la recluse est un roman « facile », coulant, qui nous emporte quelque instant enquêter auprès d'Adamsberg et sa bande de conspirateurs dévoués. Ne faut-il pas avoir une araignée dans la coloquinte pour s'embarquer dans cette galère, cette histoire grotesque d'arachnide, la recluse, tueuse de papys dans le midi ? En catimini, Jean-Bapt' et ses mousses remontent le fil de l'histoire, nous à leurs trousses, tentant de discerner le chemin vers la Vérité, inondé, dissimulé par toutes les proto-pensées du Commissaire, ses « bulles » de brume, envoûtantes, hypnotisantes, et par les crachats sibyllins de la bestiole à huit pattes.
Quand sort la recluse est un de ces livres qui délassent le corps et l'esprit, tranquilles, reposants, confortables, avec sa part de moments glauques, lugubres, araignée du matin, chagrin... Après tout, c'est un roman policier, avec ses meurtres et surtout, ses vies meurtries, mutilées, nécrosées.




  • L'amour est une ortie qu'il faut moissonner chaque instant si l'on veut faire la sieste étendu à son ombre, murmura Danglard. Pablo Picasso. L'amour, ou la passion. (p. 317)




Musique



• Enfer ~ Pierre Henry, album Intérieur Extérieur.
Je n'ai pas trouvé le morceau sur YouTube, mais on peut l'écouter sur Deezer par exemple. Il colle parfaitement à l'idée de la recluse du livre.
(Hommage à Pierre Henry, disparu le 5 juillet dernier.)
Viol ~ Gesaffelstein
Le Merle Noir pour flûte et piano ~ Olivier Messiaen
No More Blues! ~ The Dizzy Gillespie Quintet



Peinture - Sculpture



Vierge voilée - La pureté (1717-1725) ~ Antonio Corradini (1668-1752). Une araignée aurait-elle tissé sa toile sur ce visage miséricordieux ?


L’enlèvement de Proserpine ~ Bernini


La dialectique ou l'industrie ~ Véronèse (Palais des Doges, Venise)


La punition d'Arachné ~ Rubens (1636). Il s'agit de la toile préparatoire du tableau, lui détruit. Au premier plan Minerve est debout, levant sa navette sur Arachné tombée à terre, tournant vers la déesse son visage épouvanté. Au second plan, à droite, on distingue une tapisserie représentant l'enlèvement d'Europe (décrite par Ovide, dans les Métamorphoses.) Sa perfection autant que le sujet provoquent le courroux d'Athéna, qui la met en pièce avant de frapper la mortelle de sa navette.
La tapisserie met également en abyme le tableau de Titien, l'Enlèvement d'Europe. ( Copie par Rubens.)


Les Fileuses ~ Velázquez (1657, Madrid, Musée du Prado) On retrouve, en arrière-plan encore, la tableau de Titien. Les trois fileuses seraient-elles les trois Grâces ? Il est bien probable qu'elles soient plutôt les trois Parques, accompagnées de la Fortune, à gauche. Au premier plan sont donc représentées les puissances qui régissent la destinée humaine, les vicissitudes de l'existence, qui tissent et coupent les fils de la vie.


Les Trois Parques filant ou le triomphe de la Vérité ~ Rubens (Musée du Louvre)


Susanna et les vieillards ~ Marc Chagall


Vianden à travers une toile d'araignée ~ Victor Hugo, 1871, journal.
« Une toile inscrivait avec goût sa rosace délicate dans l'ogive de la lucarne ».


Grande Déesse / Femme-araignée de Teotihuacán. (Mexique)


L'araignée , du livre Picasso/Eaux-fortes originales pour des textes de Buffon.



Poésie



Après le déluge ~ Rimbaud (Illuminations, 1873 – 1875 )


Aussitôt que l'idée du Déluge se fut rassise,
Un lièvre s'arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes, et dit sa prière à l'arc-en-ciel à travers la toile de l'araignée.
Oh ! les pierres précieuses qui se cachaient, -les fleurs qui regardaient déjà.
Dans la grande rue sale, les étals se dressèrent, et l'on tira les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures.
Le sang coula, chez Barbe-Bleue, - aux abattoirs, - dans les cirques, où le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent.
Les castors bâtirent. Les « mazagrans » fumèrent dans les estaminets.
Dans la grande maison de vitres encore ruisselante, les enfants en deuil regardèrent les merveilleuses images.
Une porte claqua - et, sur la place du hameau, l'enfant tourna ses bras, compris des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l'éclatante giboulée. Madame * établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale.
Les caravanes partirent. Et le Splendide-Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle.
Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, - et les églogues en sabots grognant dans le verger.   Puis, dans la futaie violette, bourgeonnante, Eucharis me dit que c'était le printemps.
  - Sourds, étang, -Écume, roule sur le pont et passe par-dessus les bois ; - draps noirs et orgues, éclairs et tonnerre,  -montez et roulez ; - Eaux et tristesses, montez et relevez les Déluges.
  Car depuis qu'ils se sont dissipés, - oh, les pierres précieuses s'enfouissant, et les fleurs ouvertes ! - c'est un ennui ! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu'elle sait, et que nous ignorons.


• J'aime l'araignée ~ Victor Hugo


J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;


Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;


Parce qu'elles sont prises dans leur œuvre ;
Ô sort ! fatals nœuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux;


Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit...


Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !


Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,


Pour peu qu'on leur jette un œil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !


• « Le coq et la perle », Max Jacob, recueil Le Cornet à dés,


Brouillard, étoile d'araignée


• « La Malédiction » ~ Paul Éluard, recueil Mourir de ne pas mourir


Un aigle, sur un rocher, contemple l’horizon béat. Un aigle défend le mouvement des sphères. Couleurs douces de la charité, tristesse, lueurs sur les arbres décharnés, lyre en étoile d’araignée, les hommes qui sous tous les cieux se ressemblent sont aussi bêtes sur la terre qu’au ciel. Et celui qui traîne un couteau dans les herbes hautes, dans les herbes de mes yeux, de mes cheveux et de mes rêves, celui qui porte dans ses bras tous les signes de l’ombre, est tombé, tacheté d’azur, sur les fleurs à quatre couleurs.


• Le Suréalisme et la peinture ~ André Breton, à propos de Picasso (« le peintre-araignée ».)
L'instinct plastique, porté individuellement au terme suprême de son développement puise dans le refus de tout ce qui pourrait le distraire de son sens propre, le moyen de réfléchir sur lui-même. Une volonté de conscience totale qui, pour la première fois peut-être, s'est mise de la partie, oriente l'effort, éclaire la laborieuse démarche qui, du plus bas au plus haut échelon de l'espèce animale, tend à assurer à l'être vivant la jouissance d'un gîte, d'une arme, d'un piège ou d'un miroir. C'est, avec Picasso, la somme de tous ces besoins, de toutes ces expériences de désintégration qui va être faite avec une lucidité implacable ; c'est, en un seul et même être doué et épris de compréhension pour tous, c'est par impossible l'araignée qui va, plus qu'un moucheron, être attentive au dessin et à la substance du polygone de sa toile, l'oiseau migrateur qui en plein va tourner la tête vers ce qu'il quitte, l'oiseau encore qui va tenter de se retrouver dans le labyrinthe de son propre chant.

smilla
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le 11 juil. 2017

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smilla

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