Daniel Glattauer nous raconte l'histoire d'un homme et d'une femme qui vont se rapprocher grâce à l'échange de mails. La forme du livre est donc concentrée sur ce format de message électronique, presque l'unique support sur lequel Léo et Emmi vont apprendre à se découvrir, s'apprécier,se jauger. Inévitablement, le langage utilisé est plutôt familier même si chaque personnage joue aussi avec sa plume et avec son intellect pour rendre l'échange drôle,piquant, réfléchi ou trivial. La démarche du lecteur est donc de cerner la tonalité de chaque mail, leur fréquence et leur but. De ce point de vue,la lecture est intéressante mais a une limite: comment faire évoluer un récit de correspondance virtuelle entre deux personnes? Même si l'auteur a tâché de dépeindre Emmi et Léo du mieux possible à travers leurs commentaires,leurs réactions ou même leurs silences parfois éloquents, il manque à Quand souffle le vent du Nord des descriptions de lieux ou d'atmosphères qui peuvent s'étendre, une façon de mieux incarner l'ensemble au delà des ellipses ou du factuel. Qu' Emmi soit allée en vacances au Portugal avec son compagnon et les enfants de celui-ci, que Léo se déplace pour son travail régulièrement, comment dépeindre ces deux personnages prometteurs au-delà de leurs mots?
Par contre, ce que Daniel Glattauer nous montre trés bien à travers son récit à deux voix et demi (je vous laisse la surprise), c'est la volonté de ne plus se contenter d'un échange virtuel et de vouloir évoluer vers la vraie rencontre.A mon humble avis, le véritable enjeu dramatique du livre, et sa justification même, c'est de montrer la possibilité d'une rencontre comme un cap limitant ou excitant. Emmi et Léo deviennent alors les relais anxieux ou enthousiastes de cette éventualité. Tout cela dépendant des jours et de leurs humeurs respectives.
Je conseillerai donc ce livre à la forme codifiée pour des lecteurs qui apprécient la joute et la confrontation écrites. J'ajoute aussi que le non-dit tient une place toute particulière et que c'est aussi engageant de le déchiffrer à travers les échanges électroniques d'Emmi et Léo. Pour finir, tâcher de sortir du modèle traditionnel de la forme littéraire pour entrer dans l'expression de deux consciences bien distinctes, qui du début jusqu'au dernier mot, refuseront le consensus mou et la facilité.
Specliseur
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le 9 déc. 2014

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