un incontournable de l'adolescente, à offrir avec un paquet de mouchoirs

Je voudrais commencer par dénoncer la calamiteuse adaptation cinématographique et encourager ses malheureux spectateurs à ne point juger le livre à l'aune de ce naufrage.

Ce roman se lit en peu de temps, moins de trois heures. Je l'ai lu un nombre incalculable de fois et, malgré mon grand âge aujourd'hui, je suis toujours frappée par sa force. Ses qualités ne diminuent pas avec le temps, bien au contraire (je ne parle pas de qualité d'écriture, c'est un roman jeunesse sans ambition littéraire.)

Les forces de ce roman sont multiples :
- l'adolescence n'est pas fantasmée, les filles sont crades, immatures, drôles, déprimées, capricieuses, etc.
- les personnalités sont cohérentes et fouillées
- les situations sentent le vécu
- l'amitié décrite est à la fois émouvante et réaliste
- les valeurs transmises sont intéressantes et ne sombrent jamais dans la mièvrerie
- les filles savent faire preuve de réflexion et ne subissent pas l'action
- etc.

Les histoires d'amitiés de filles se déclinent souvent pas quatre... j'ignore pourquoi. Carmen, Lena, Tibby, Bridget représentent chacune un défaut propre à l'adolescence ; les voir surmonter ce trait de caractère ou en subir les conséquences a une vocation quasiment éducative et fera verser toutes les larmes de son corps à la lectrice/au lecteur.

Carmen est la colère et la régression.
Elle ne s'est jamais remise du divorce de ses parents et entretient avec son père une relation artificielle, basée sur les apparences. Quand celui-ci tente d'étendre encore les "conditions" de ce statu quo, elle explose, et se sent coupable. Telle une enfant qui pense que ses parents divorcent à cause d'elle, Carmen, de manière égocentrique s'accuse de tous les torts et s'en prend aux mauvais coupables.
Je n'ai compris ce personnage que récemment, en me mettant non pas à sa place mais à celle de ses parents, j'ai enfin compris le message : son père est un lâche. Cette trame est si bien retranscrite, on épouse tellement le point de vue de Carmen, que je ne m'en étais pas rendu compte ! C'est le personnage le plus attachant : émotive, colérique et courageuse.

Lena est la timidité, une timidité maladive qui la pousse à se sentir hors du monde, usurpatrice voire négligeable.
Elle l'a développé en réaction à un physique hors norme qui l'a rendu sauvage et méfiante. Le récit autour de Lena est, pour ce qui est de la description de la Grèce, fort caricatural (rassurons-nous le film a fait pire...), mais la description des sentiments de la jeune fille est d'une grande pertinence. On est particulièrement touché par la surprise et le sentiment d'appartenance qu'elle éprouve quand elle est confrontée à son grand-père et aux paysages de Santorin. Là encore, la conclusion est plus que cathartique, elle est éducative !

Tibby est à mes yeux le personnage le plus intéressant (et le plus défiguré par l'adaptation). Elle est l'adolescente agressée par le monde qui l'entoure.
Elle trouve les gens laids et bêtes... médiocres. Elle se sent elle-même médiocre et ratée. Mais loin de se résigner, elle décide de sublimer cette horreur quotidienne en en faisant un film. Sa rencontre avec Bailey, une petite peste leucémique, lui apprendra à regarder la médiocrité ambiante non pas avec dédain mais avec gentillesse. Une perspective forcée pour elle, mais qui changera tout et marquera son destin dans l'ensemble des romans.

Bridget est plus étrange. Son trait de caractère est moins universel que les trois autres. Il s'agit de maladie mentale. On ne sait pas clairement quel diagnostic poser... dépressive ? sans doute plutôt bipolaire... Son récit est curieux, elle saute partout, fait l'allumeuse, puis sombre dans l'abattement le plus total. Les événements survenus au camp sont sans doute les déclencheurs de quelquechose de plus grave et profond. Dommage que ce déclencheur envoie un message curieux lui aussi... Son récit prendra plus de corps dans les romans suivants.

Ce roman est le cadeau parfait pour adolescente : l'écriture est simple, fluide. La lecture est rapide : l'intrigue avance vite et les personnages sont extrêmement attachants !
Æsahættr
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le 19 mai 2014

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Æsahættr

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