"L'homme est un animal."
Il existe encore des personnes qui dans le monde qui pense le contraire de ce qui nous semble une évidence.

Mais affirmer un tel principe n'est que le début des embrouilles. De nouveau des questions surgissent : où est la limite? pourquoi de telles ressemblances? de telles différences? Peut-on parler de supériorité? Pourquoi l'esprit d'abstraction, le corps sans fourrure ni griffe, la société et la capacité à se projeter?

De là des kilomètres linéaires de pages ont pu être écrites, et plus on y pense plus la confusion reste et la capacité d'ingéniosité humaine à se saboter s'accroît.

Olivia Rosenthal écrit Où vont les rennes après noël?
Sous cette apparente question naïve se cache notre problème esquissé ci-dessus.
Elle s'empare de cette question philosophique, si ce n'est biologique fondamentale et réalise avec brio une fiction entre réalisme et roman d'initiation.

Le style est spécial et fonctionne parfaitement : à quasiment chaque paragraphe se succède deux types de narration, comme deux mondes qui n'interfèrent que dans la tête du lecteur.

D'abord des narrations à la deuxième personne du pluriel (mais qui n'a rien du trop pointilleux "Vous" de Butor et sa Modification) qui raconte la naissance, l'éducation, les choix, la vie d'une petite fille, adolescente, femme. Seulement quelques éléments internes de réflexion et d'évolution nous sont livrés, on ne connaît ni son nom ni son origine. Peu importe.

Et tout de suite après un paragraphe de cette teneur se succède rapidement des extraits de témoignage d'équarisseur, de documentaire sur une introduction de loup en milieu urbain ou encore des considérations zoologiques d'un soigneur animalier ou d'un chercheur et ses souris à sacrifier.
On suppose ces extraits véritables. On ne voit pas pourquoi ils seraient faux. Ils ne sont pas là pour faire du pathos ou pour nous attendrir. Ils nous montrent comment les hommes considèrent les animaux, quelles étapes de réflexion, d'action de choix se déroulent lorsque l'Homme est en contact avec la Bête.

Par des indices narratifs assez subtils, on finit par sans même y penser faire des parallèles entre homme et bête, entre petite fille et loup, entre femme et panthère. Il est même étonnant de voir qu'on se passionne plus pour l'histoire des loups que pour celle de la fillette. Au début en tous cas... et puis un renversement arrive et un certaine équilibre s'installe.

La problématique du titre prends tout son sens à mesure qu'on évolue au sein du roman, de question naïve à question existentielle, de rêve à réalisme, de considération à fantasme. Tout arrive à l'heure dite.

Le maillage, le tissage continuel de ces deux fils de narration, d'histoires, de personnages finissent par nous montrer brillamment la trame bestiale intrinsèque de nos vies même et surtout au sein de notre société.

Plus qu'un élément de la faune, dans ce livre l'homme est un animal construit par la société et esthétique. Aussi esthétique que la Féline, si présente sous la plume de Rosenthal.
Misarweth
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le 22 mars 2011

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