Quel amour d'enfant ! demeure à ce jour mon livre préféré de la comtesse de Ségur. Ici, on n'a pas une pléthore de personnages parfaits comme les ennuyeuses Camille et Madeleine de Fleurville, ou les insipides Geneviève et Jacques d'Après la Pluie le Beau Temps.

Ici, qui plus est, même les adultes sont sortis de leur carcan de personnages modèles. Léontine et Victor de Gerville, parents transparents pourrissant leur fille d'un amour excessif, le père Tocambel, bon mais doté d'une certaine malice, surpassée uniquement par le caractère impétueux et quasi tyrannique de son amie Madame de Monclair (sûrement mon personnage préféré de toute la biblio de la comtesse). À la rigueur, la famille de Néri correspond le mieux aux personnages modèles que Sophie de Ségur affectionnait tant. Oh, et Julien, le quidam de la fin, la preuve, j'ai failli l'oublier.

Et puis il y a Giselle.

Giselle, qui détrône Sophie de Réan dans le rôle de petite peste absolue, désobéissante, mal élevée, insupportable. C'est un vrai plaisir de la voir foutre la merde partout, insulter les autres gamins, faire des pieds de nez à ses parents et faire dix caprices par jour, ce jusqu'à l'âge adulte. Et même si son histoire n'est autre qu'un inévitable chemin vers la rédemption via des personnes meilleures et plus chrétiennes qu'elle, elle gardera tout au long du livre un caractère farouche, indomptable. Ce qui est intéressant, d'ailleurs, c'est que sa rédemption initiale, (lorsqu'elle est encore enfant) ne sera pas via un adulte doux et compatissant (comme Mme de Fleurville avec Sophie dans Les Petites Filles Modèles), mais à travers la non moins caractérielle Madame de Monclair, qui n'hésite pas à lui mettre le nez dans son caca et à simultanément se foutre de sa gueule. Et ça fonctionne. Et plutôt que de me faire faire la morale, pour une fois, j'ai vraiment l'impression d'assister à un échange réaliste entre deux personnes qui se comprennent et s'apprécient pour ce qu'elles sont, même si elles se balancent des piques. Giselle respecte Madame de Monclair. Contrairement à ses parents.

Maintenant, faut pas se leurrer, la comtesse nous fait toujours la leçon. Mais c'est sympa de voir une héroïne dépeinte aussi indécrottablement méchante au départ, pour amener progressivement une rédemption lente, donc plutôt réaliste (Giselle reste caractérielle tout le long du livre, même si elle s'améliore petit à petit), et qui n'aboutira qu'après que Giselle se soit mangée un nombre incroyable de parpaings dans la gueule pour se rendre compte que ouais, en fait, jouer les princesses, ça ne paie pas vraiment sur le long terme.

Enfin, la plupart du temps.
Karrie
9
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le 21 avr. 2012

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Karrie

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