J’ai toujours aimé les titres. « Réparer les vivants », c’est beau, et ça m’a tout de suite plu. Le pitch aussi. Le don d’organes, le fait que tout ce que Simon, le héros, était physiquement, migre, comme l’écrit l’auteure elle-même, vers d’autres corps et d’autres contrées, j’ai trouvé ça fantastique.


Réparer les vivants, ça aurait pu être le roman de la transplantation cardiaque, comme le suggère sa quatrième de couverture et l’enthousiasme critique qui a suivi sa publication. C’est un sujet original, dont on parle peu, et qui pourtant est décisif dans la représentation de notre société « moderne ». Il évoque à la fois les progrès médicaux, la manipulation et la transformation du corps humain, mais aussi, la fragilité de la vie, la perte d’un être cher, toutes ces tensions qui font se rencontrer la mort et la science.


Pourtant, pour évoquer ce volet sensible de la médecine, Maylis de Kérangel a préféré se concentrer sur des descriptions interminables de la vie des –nombreux- personnages, leur(s) passion(s), et parfois tout ce qui pouvait bien leur passer par la tête. Si cela aurait pu avoir un intérêt, ici, les digressions ne vont nulle part et s’essoufflent, si bien qu’à plusieurs moments, on se demande réellement pourquoi on a lu les dix dernières pages, et pourquoi on n’en sait pas plus sur ce personnage plus important qu’on a laissé, et dont on n’entendra finalement presque plus parler.
Au fil des pages, on se lasse du rythme qu’a voulu imposer l’auteure à son roman, lenteurs puis accélérations, contemplations et descriptions en masse suivies d’actions précipitées. On a l’impression de ramer, et finalement on en a un peu marre, surtout quand on se heurte aux interminables leçons de médecine glissées un peu partout.
Je ne dis pas que les descriptions médicales n’ont aucun intérêt, surtout dans un roman avec un tel sujet. Mais elles finissent par prendre une telle place, qu’elles occultent quasiment de façon complète tout ce qui entoure la problématique du don d’organes.


Ainsi, des étudiants en médecine ou des infirmiers en service de réa y verront peut-être un intérêt. Mais en tant que lecteur lambda, attendant une vision large sur le sujet, j’ai été déçue ; autant par les lacunes (le roman s’arrête au moment de la transplantation, sans donc jamais aborder le fait de vivre avec le cœur d’un autre) que par le trop plein (l’auteure a des connaissances, tant en médecine qu’en art lyrique, mais parfois, c’est vraiment trop).


Dire que le roman est mauvais serait cependant faux, et beaucoup trop présomptueux de ma part (après tout, on trouve rarement ce qu’on s’attend à trouver lorsqu’on achète un livre). Mais il m’a déçue, parce-qu’en déjouant mes attentes, il n’a pas su me surprendre, ni me convaincre (et je reste un peu sur ma faim).

Aude_Allard
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le 5 sept. 2015

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Aude Allard

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