Point noir majeur : chaque phrase fait trois kilomètres de long. On dirait du Jérôme Ferrari.


Non mais vraiment, je n'exagère pas. Malheureusement, ce ne sont pas des phrases à la Proust avec une construction complexe, articulées, comportant plusieurs digressions mais toujours centrées autour de la proposition noyau ; ce sont simplement des juxtapositions de phrases séparées par des virgules, qui vont d'un point de l'histoire à un autre sans forcément garder un lien entre elles. Franchement, je pense qu'on pourrait remplacer la moitié des virgules de ce livre par des points et ça resterait un texte lisible, voire plus lisible. Je donne tout de même un point bonus pour l'utilisation fréquente de points-virgules, parce que j'aime bien les points-virgules. Et puis ça permet de respirer dans cette lecture qui court sans s'arrêter.


Étrangement, autant le temps dans la première moitié du livre s'étire à l'infini et on peut presque compter les secondes, autant la fin du récit semble un peu précipitée, malgré des phrases toujours aussi longues. On passe très vite les dernières de ces vingt-quatre heures, un peu comme si, une fois le don d'organes accepté, tout était plié et qu'il n'y avait plus qu'à dérouler le reste sans accroche.


À part ça, tout sonne juste, le choc et la douleur, la difficulté d'accepter la mort quand elle ressemble à de la vie, et surtout, comment prendre la décision de donner les organes d'un proche alors qu'on est encore dans cet état d'hébétude qui suit l'annonce du drame ? Aussi, comment appréhender la greffe d'un cœur étranger à la place du sien, accepter ce don sans retour, profiter de la mort de quelqu'un pour prolonger sa propre vie ? Je trouve regrettable que ces dernières questions d'un receveur aient eu si peu de place dans l'histoire, la réflexion était très bien amorcée mais le développement n'a pas été poussé très loin.


J'ai ressenti une grande empathie pour tous les personnages, autant les proches de Simon que le personnel médical. Je trouve que cette façon qu'a l'auteure de fournir tant de détails apparemment superflus sur leur vie est un bon moyen de se les approprier et de les aimer. Mention spéciale à Thomas, petite perle parmi tous ces gens bien écrits, j'aimerais qu'il existe pour de vrai.


Pour conclure, je trouve vraiment dommage que la lecture soit constamment poussée en avant à cause de l'absence de temps mort dans les phrases, car ça dilue la tension dramatique. On n'a pas le temps de digérer la violence des faits qu'on est déjà parti voir ailleurs, noyé dans la masse des mots. Finalement ce récit n'a pas été le coup de poing que j'attendais.

Calimaille
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le 10 mars 2016

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