La popularité de ce roman dans les groupes littéraire me faisait redouter sa lecture. Aux premiers abords, avec un titre si poétique, je craignais une histoire pleine de pathos, quelque chose de dégoulinant, malgré une quatrième de couverture accrocheuse. Puis un jour, sur un brocante, une personne vendait ce livre pour une misère. Il ne m'en fallait pas plus, c'était le première mouvement d'une baffe magistrale.
L'auteur, Delphine de Vigan, je la connaissais déjà grâce à son très bon livre No et Moi que j'avais lu il y a de ça quelques années et Jours Sans Faim qui se trouvait déjà dans ma PAL. Lire un auteur, un style d'écriture qu'on connaît, ça aide à se motiver quand au départ on ne l'est pas tellement.
Je pensais partir d'un roman, je me suis trompée, c'est en fait une biographie, bien que le terme ne soit pas tout à fait juste. On retrouve une Delphine, expressément nommée qu'une fois, nous parler de sa mère, Lucile, récemment décédée, et de sa famille. Ainsi elle raconte les grand-parents, les frères et sœurs, les caractères, les vacances, les activités, etc. On nous plonge dans un passé qui ne nous appartient pas et qui n'appartient pas tout à fait à l'auteur non plus, ou des événements manquent, où les ellipses sont nombreuses. On nous raconte un puzzle dont il n'est pas nécessaire d'avoir toutes les pièces, où toutes les pièces ne sont pas vouée à s'imbriquer sans difficultés avec les autres. Delphine de Vigan tisse une toile, un patchwork, et ça nous va.
Ça nous va car les ellipses représentent justement ce qu'on ne sait pas, ce qu'on ne peut pas savoir. Il rappelle au lecteur qu'on, individu humain, n'est pas omniscient, qu'on ne sait pas tout ce que se passe en tout temps. C'est une acceptation de ce qui nous échappe, des secrets de famille et des doutes qu'ils font planer des années voire des générations durant.
Parmi les critiques que j'ai pu lire sur ce roman, certains scandent au voyeurisme. C'est compréhensible, après tout, nous, lecteur qui ne connaissons pas l'auteur ni sa famille, sommes amenés à lire des moments, des pensées intimes, on nous met dans la confidence en faisant mine que l'on existe pas. Nous nous rend témoins d’événements racontés au passé qui ne nous regarde pas. La question qui peut se poser, ce serait « pourquoi choisir de publier un ouvrage aussi intime, quel est le but de cette publication ? ». La question, du point de vue du lecteur, est complexe. Après tout, l'auteur a eu l'accord de sa famille pour les citer et publier ce roman, hormis l'accord de sa mère pour des raisons évidentes. Ces accords, à mon sens, retire le caractère 'voyeuriste' de cet ouvrage, d'autant plus qu'il a valeur de témoignage et ne s'en cache pas.
Un témoignage en faveur de Lucile, une enfant, une femme, une mère que l'auteur veut réhabilité, faire le point sur sa vie. Mais plus important encore, ce roman est un roman témoignage sur la maladie, sur la bipolarité. En lisant la quatrième de couverture et avant même d'arriver au milieu de la deuxième partie, je n'ai pas sur mettre un mot sur le comportement de Lucile, sur ce que Delphine de Vigan nous proposait de voir sans filtre. La maladie est surtout nommée faire la fin du roman et on ne nous dit pas si Lucile avait été officiellement diagnostiqué bipolaire en plus d'être maniaco-dépressive. Cette absence de nom caractérisant le comportement bipolaire peut être ce qui incite à crier au voyeurisme. Je suis plutôt d'avis à dire que cette absence de nom montre avec une grande justesse l'impuissance dans laquelle elle met les malade et ses proches, la maladie n'étant pas tatouées sur le front. C'est pour cela que j'ai apprécié le livre, pour cette approche de la bipolarité.
La bipolarité, on ne sait pas vraiment si on peut la retrouver dans les trois partie du roman. On ne sait pas s'il faut en chercher les origines dans l'enfance ou plus tard, s'il y a eu un élément déclencheur ou non. L'auteur, souligne en toute simplicité ce fait. Elle l'aborde, n'en tire aucune conclusion, laisse l'hypothèse ouverte. En divisant par trois son roman, elle montre une première fois, structurellement parlant ce que ça veut dire, être bipolaire : avant et après le diagnostique : la terreur, les dépression, le délire, les crises à répétition, l'internement, les conséquences sur la sphère familiale, les médicaments, etc. On nous entraîne dans son quotidien.
En dehors des trois parties, le roman change aussi de structure en interne, si je peux dire. On passe d'une écriture qui se fit aux souvenirs des autres, qui écrit sans employer le « je ». Et puis la naissance de l'auteur dans l'histoire lui redonne sa voix prendre, le « je » arrive pour ne plus nous lâcher. Ce ne sont plus seulement les souvenirs qu'on a de Lucile, ce sont également ceux de l'auteur, un témoignage sur sa propre vie, et c'est là que le roman prend une dimension autobiographique.
J'ai apprécié ce roman car il décrit la maladie, il parle, il donne une voix à une femme qui n'en a plus, et potentiellement à d'autres malades, parmi les lecteurs, bipolaires et qui chercheraient à faire comprendre à d'autre ce que leur quotidien implique. Rien que pour cela, ce roman est important. De plus, l'écriture est simple, sans fard, sans alourdissement. On nous expose simplement des faits, des impressions, des sentiments.
J'imagine à quel point il a dû être difficile d'écrire ce livre. Premièrement, parler de soi n'est déjà pas simple, mais parler d'une autre personne, une personne qu'on estime, c'est d'autant plus difficile. On veut être dans l'exactitude, ce qui est vain, comme le dit très bien l'auteur dans quelques chapitres qu'elle se réserve pour expliquer où elle en est, les obstacles qu'elle rencontre. J'imagine aussi combien il a dû être difficile de faire passer des entretiens à sa famille, de les réécouter, de les annoter, de les ordonner, etc. En une phrase, de ne pas faire de la vie de Lucile une œuvre de fiction.
Pour finir, c'est un roman qui se lit vite, avec des chapitres cours et efficaces. C'est une satisfaction de voir la maladie évoquée avec tant de justesse, d'autant plus que la bipolarité reste encore un mystère pour trop de personne, y comprit les professionnels. Il est important de saisir ce que la maladie entraîne comme conséquence sur soit ainsi que sur les autres. C'est un bel hommage qu'a rendu Delphine de Vigan à sa mère, Lucile.
NOW___LOVATIC
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le 28 nov. 2016

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