Ce "Robert des noms propres" passe tout juste la moyenne et marque, en ce qui me concerne, le début d'une longue période de chute de qualité pour Nothomb. Je ne saurais pas vraiment dire ce qui sauve ce roman : un certain attachement pour l'héroïne peut-être, pour sa volonté hors du commun de maîtriser un destin dont on sait dès le départ qu'il sera tragique, et même de le sublimer. Il souffre en tout cas d'une bonne masse de défauts.
Pour résumer grossièrement, les 40 premières pages et les 40 dernières sont les plus intéressantes, ce qui nous laisse au final une autre moitié de livre beaucoup plus inégale. L'auteure, fidèle à ses habitudes, donne encore à son personnage principal un prénom à coucher dehors, ce qui devient à la longue assez usant, tout comme cette thématique récurrente dans son oeuvre de l'être unique, exceptionnel, pas comme les autres. Il faut se distinguer, encore et toujours ; je suis plus que d'accord avec cette idée, mais à ce point, ça devient suspect. Une situation souvent due chez elle à un dysfonctionnement physique, une naissance ou une enfance tragique, et l'on ne déroge pas ici à la règle. On a d'ailleurs parfois l'impression, au début, d'un copié-collé de "Métaphysique des tubes", avec cette adoration pour l'enfant, sauf que pour le coup, Plectrude remplace Amélie dans le rôle de la princesse pourrie-gâtée, et Clémence Nishio-San. Il y a de toute façon dans cette histoire quelque chose qui sent le vécu, la nostalgie et / ou le regret (ce qui donne lieu par exemple à un aparté grotesque sur l'intolérance des mères de famille devant les écoles, ou Nothomb laisse entrevoir de manière totalement impudique des vexations d'enfance qu'elle a sans doute subies, dont elle se vengerait vicieusement par l'intermédiaire de son bouquin) ; ce qui confirme cette tendance au roman autobiographique qui s'était véritablement révélée depuis "Stupeur et tremblements". Elle ne peut d'ailleurs s'empêcher d'apparaître en chair et en os dans la vie de son héroïne à la fin de l'histoire ; une fin qui ne m'a pas spécialement dérangé, mais je comprends que l'on puisse la trouver "bidesque". Notons également que son style d'écriture semble lui aussi avoir évolué, s'être simplifié. Ce n'est pas encore une catastrophe mais c'est un peu décevant, son sens de la formule n'est plus que l'ombre de lui-même.
Hmm. A la lecture de cette critique, je m'aperçois qu'il faut une bonne dose d'indulgence, finalement, pour ne pas descendre en flammes ce roman à peine convaincant. J'en garde pourtant une impression globale convenable... Hypnotisé par le fameux "regard" de Plectrude sans doute, qui met mal à l'aise mais revendique le droit d'exister.
Psychedeclic
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le 30 mars 2011

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