Tout d'abord, je précise que cette critique ne porte que sur le dernier texte de l'ouvrage, le dernier roman de Jules Verne qu'il n'a pu achever pour cause de mort impromptue. Il s'intitulait "Voyage d'études" et traitait d'une expédition en terre congolaise durant laquelle deux parlementaires parisiens, un ingénieur, un géographe et un linguiste avait pour mission de déterminer s'il était légitime que les habitants de la colonie française soient représentés à l'Assemblée par un élu. Le texte n'est qu'une ébauche. Les aventuriers sont présentés, de manière parfois humoristique et on les voit arriver par bateau à Libreville où ils sont reçus en grandes pompes par les officiels locaux. Le récit s'arrête là et se serait certainement poursuivi de manière habituelle, avec une suite de péripéties exotiques comme on a coutume d'en lire lorsque l'on est un aficionado des Voyages Extraordinaires et de leurs fréquentes aventures africaines. Ce qui m'a poussé à lire ce début de roman, c'est le thème secondaire très original qui y est abordé. En effet, sur le continent africain dépeint par Jules Verne l'un des outils utilisés par les Européens pour développer les colonies et faciliter la communication entre les peuples est l'importation d'une langue à l'époque récemment créée : l'espéranto, la langue internationale conçue par Zamenhof. Je ne vais pas me lancer ici dans une explication détaillée de ce que l'espéranto. Je me contenterai de dire que c'est une langue née à la fin du dix-neuvième siècle, mélange des langues latines et germaniques, réputée - à raison - très facile à apprendre du fait de la simplicité de ses règles et de l'absence de toute irrégularité dans les conjugaisons, les accords, etc... On dénombre à peu près à l'heure actuelle deux millions de locuteurs dispersés dans tous les pays du globe. Ce nombre se maintient, mais n'est pas suffisant. L'objectif initial était que l'espéranto devienne la langue internationale, une langue neutre appartenant à tous qui permettrait de communiquer simplement avec n'importe qui sur terre, sans pour autant que quiconque se départisse de sa langue natale. Pour que cela fonctionne, il faudrait que le citoyens du monde se mettent à apprendre massivement l'espéranto. Malheureusement, le projet inspire méfiance et moquerie, essentiellement de la part de ceux qui ne se sont jamais donné la peine de s'y plonger. D'où le titre de ma critique. L'ultime projet de Jules Verne était d'écrire un roman dont l'espéranto serait l'un des thèmes centraux. S'il avait pu l'achever, nul doute que la langue se serait développée de manière beaucoup plus importante en France et dans tous les pays où on lit Jules Verne. Son fils achèvera l'oeuvre, mais en changera le titre et supprimera tous les passages concernant l'espéranto ! J'invite donc les amateurs de "Cinq semaines en ballon", du "Voyage au centre de la Terre", de "20 000 lieues sous les mers" et de tous les autres romans de l'auteur à découvrir cet embryon de chef-d'oeuvre. Attention : il y a deux phrases écrites en espéranto dans ce début de roman, mais elles sont truffées de fautes. Jules Verne découvrait la langue en même temps qu'il débutait son récit, ceci expliquant cela, et il prévoyait de faire appel à un espérantiste aguerri pour traduire certains passages dans la langue internationale. La mort, cette traîtresse !


Bonan legadon !


PS : pour un avis sur les autres nouvelles et textes inédits de l'ouvrage, voire une mise à jour ultérieure de cette critique !

Nairolf
8
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le 11 juil. 2016

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