L’amour des insectes et des fleurs ; la soirée chez la princesse de Guermantes ; le personnel gentiment grotesque de l’hôtel de Balbec ; le souvenir de la grand-mère du narrateur ressurgissant dans le présent, tant dans son esprit que dans le visage de sa mère, et la sensation de sa perte ; les sublimes méditations sur le sommeil et le rêve ; le tramway traversant le paysage de Balbec et ses environs ; les passionnantes évocations toponymiques ; le burlesque baron de Charlus ; les discussions littéraires ; le soleil carminé aperçu par le narrateur de sa fenêtre qui semble appartenir à un tableau d’Elstir ; etc. Autant d’images que m’évoque le quatrième tome d’A La Recherche du Temps perdu, Sodome et Gomorrhe, dans lequel apparaît le thème de l’homosexualité masculine et féminine principalement portée par le baron de Charlus (dont la rencontre significative avec Jupien est espionnée par le narrateur au début du tome) et Albertine suspectée d’être une gomorrhéenne.

Ainsi, c’est un roman sur l’amour et les sens qu’il éveille que nous offre Marcel Proust, laissant à lire au lecteur la complexité des sentiments du narrateur vis-à-vis d’Albertine dont il ne sait réellement s’il l’aime mais se voit torturé par la jalousie qu’elle lui inspire (jalousie d’autant plus forte qu’il ne sait s’il doit se méfier des hommes (cf. la rencontre entre Saint-Loup et Albertine) ou des femmes (avouant lui-même qu’il ne pouvait, à ce moment, songer qu’un être puisse être attiré à la fois par une chose et une autre sans que la première n’exclue la seconde)).

Par ailleurs, ce roman – comme les précédents – est également celui des sens premiers, de la mémoire et du Temps et de cet effort vers les fluctuations des réminiscences où naissent les images de la grand-mère ancrées dans le présent ainsi qu’apposées sur le visage de la mère, les souvenirs de mots qui ne signifiaient rien lorsqu’ils furent prononcés mais acquièrent de l’importance dans le présent (notamment concernant la supposée homosexualité d’Albertine), etc. Et, toujours, la grandeur des phrases, leur beauté, qui donnent de l’élan aux sensations et aux idées évoquées, qui dépeignent extraordinairement l’âme humaine.

Néanmoins, Sodome et Gomorrhe n’est pas moins marqué par l’humour de l’écrivain que les tomes précédents, en témoignent la grandiloquente excentricité du baron de Charlus, le ridicule du professeur Cottard (qui est au summum, selon moi), de Morel et du clan des Verdurin en général ainsi que cette scène, dans le dernier quart du livre, qui m’a particulièrement amusée, où Cottard pense être tombé dans un guet-apens du baron de Charlus qui prévoirait de le violer alors même que ce dernier considère le professeur non seulement comme un inférieur mais aussi comme un être répugnant.

Ainsi, c’est avec une fascination toujours aussi grande que je me lance dans la lecture de La Prisonnière et recommande à tous celle d’A La Recherche du Temps perdu.
Ysland
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le 16 juin 2013

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