Vais-je vraiment vous spoiler le livre ? Je pense que personne n'est con, et que tout le monde a pigé le truc depuis longtemps. Pas d'islamophobie ici.
Mais la vérité c'est que chacun lira ce qu'il lui plait car Houellebecq ne s'étend pas en conclusion. Exit la dystopie bruyante et dénonciatrice. François (le mec que l'on suivra) n'est ni une victime des événements, ni un rebel, ni même un personnage à travers qui on lira une critique. Il est un homme simple et malheureux qui suit le sens de la marche. Houellebecq dit énormément de choses pourtant. Outre les nombreuses digressions sur Huysmans dont on aura compris le but, celui de faire l'analogie avec la vie de notre héros, Houellebecq parle de nos sociétés vieillissantes, de nos vies misérables, de nos politiques fainéants, des petites guéguerres d'UMPS qui les animent et qui n'aboutissent à rien, et puis enfin du changement, du vrai changement. Un changement de régime que nos générations n'ont jamais connu. Pas de peur, pas de violences (si ce ne sont celles du début, provoquées par les mouvances identitaires), pas de quoi s'affoler. L'islam s'installe doucement mais sûrement. Une religion intelligente, moderne et extraordinaire, on s'en étonne, elle oblige à certaines concessions comme la destruction totale de la laïcité mais promet une stabilité et une gloire que personne ne boude alors. Cette gloire qui justement manquait cruellement à notre Europe, et qui sera le terreau pour la fondation d'un nouvel Empire. La France change donc, souvent en mieux, c'est ce que le héros pense. Mais le lecteur doit-il penser la même chose ? Et Houellebecq, qu'en pense-t-il ?
Ne faut-t-il pas se soucier de ces bouleversements silencieux ? Chacun se positionnera comme il le voudra, mais ne soyons pas dupes, il s'agit bien d'une dystopie. Pourtant l'idée n'est pas de peindre un régime totalitaire et spectaculaire mais bien de peindre un régime contraire à nos valeurs, que nous ne voudrions pas en temps présent. Houellebecq ne cherche pas à effrayer, ni à donner des leçons, il imagine l'Histoire, celle qui nous devance, celle d'une transition, et il appartiendra au lecteur de faire son avis sur celle-ci. On aura tout le loisir d'apprécier ses réflexions sur l'islam, on pourra être même convaincu par les arguments du récit. Et si c'est le cas, honte à vous, car l'idée, je pense, est justement de nous montrer que le changement n'est pas forcément tout noir mais qu'il n'en reste pas moins discutable, voire contestable.
Un sacré tour de force que ce livre, même s'il choisit finalement de ne jamais étaler de réponses et de nous laisser avec un sacré dilemme dans la tête. Connard de Houellebecq. On l'entend se marrer lorsqu'on tourne la dernière page, il nous bouscule et ça le fait rire.