Bon roman qui ne délivre pas de manière directe son contenu science-fiction puisque comme l'on déjà répété bon nombre de critiques et d'internautes, la présence extraterrestre s'est arrêtée sur Terre puis et repartie aussitôt sans prendre le soin de rentrer en contact avec nous (d'où le sous-titre Pique-nique au bord du chemin). C'est davantage l'histoire d'hommes blessés dans leur égo qui s'interrogent sur leur infériorité par rapport à des "Visiteurs" qui ont négligemment laissé sur place des tonnes de déchets extraterrestres aux pouvoirs dangereux et inintelligibles pour le genre humain. Ce parti pris est très intéressant et donne lieu à des réflexions sur la place de l'homme dans l'univers. La narration s'articule autour du personnage central de Redrick, un jeune stalker que l'on va suivre sur plusieurs années. Les stalkers sont des individus qui s'infiltrent au péril de leur vie dans la "Zone", qui n'est autre que la région où les aliens ont atterris, pour récupérer des débris et autres artefacts laissés à l'abandon par ces-derniers. Ces items, aux propriétés surnaturelles, sont l'objet d'un marché noir très lucratif qui permet aux stalkers d'arrondir grassement leur fin de mois. Mais pour bénéficier de cet argent, encore faut-il revenir vivant de la Zone... En effet, celle-ci est truffée de pièges mortels liés à la présence de ces artefacts. S'affrontent alors plusieurs forces en présence : ceux qui protègent la Zone et empêchent toutes intrusions, ceux qui sont motivés par la recherche scientifique sur ces objets venus d'ailleurs et ceux qui s'intéressent aux gains potentiels. Au centre de ce conflit d'un ordre nouveau : les stalkers.



...Parce que dans la zone, c'est comme ça : si tu reviens avec la gratte, c'est un miracle; si tu reviens vivant, c'est la réussite; si tu as échappé aux balles de la patrouille, c'est une chance; et tout le reste , c'est le destin....



L'écriture est plutôt froide et va à l'essentiel. Le ton est cru, sans fioriture, mais la lecture reste toujours agréable car le scénario obscur et les intentions plutôt complexes des personnages tiennent en haleine jusqu'au bout. J'ai eu un sentiment d'oppression un peu comme dans Le procès de Kafka avec ces forces gouvernementales tentaculaires, ces réseaux de trafiquants d'objets corrompus et cette violence indicible et diffuse qui émane des relations qu'entretiennent l'ensemble des personnages. On ne sait jamais à quoi s'attendre pas même avec le personnage central de Red. La fin, brutale, est très surprenante. En effet, les auteurs ont fait le choix de partir dans une sorte de délire mystique similaire au jeu vidéo éponyme. Pour ceux qui ont joué à Stalker sur PC vous avez, au cœur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, un monolithe qui, selon la légende, exaucerait les vœux des personnes qui parviendraient à s'approcher. Simplement en lisant dans leur esprit. Bon bah on sait clairement d'où vient l'inspiration des développeurs !


Globalement, c'est très bon, bien ficelé mais pas magistral. Je ne suis pas rentré dans une sorte de béatitude une fois parvenu au bout des 320 pages. Cela dit, ce qui force le respect selon moi, est davantage la précocité des auteurs qui ont eu le courage de soutenir un genre littéraire méprisé (la science-fiction était réservée aux enfants) et méconnu en U.R.S.S. dans les années 70. La version de poche chez Folio (c.f. l'image) bénéficie d'une post-face écrite par Boris Strougatski en 1999 où il explique la laborieuse réception du manuscrit dans les maisons d'éditions soviétiques. Totalement édifiant, cette petite histoire dans la grande permet la mise en perspective de l’œuvre et d'apprécier davantage ce qu'elle avait d'iconoclaste en 1972. On ne sort pas indemne d'une telle lecture. Y a un truc... Je recommande.

silaxe
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le 4 avr. 2018

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