Instants éphémères, prose éternelle
L'écriture de l'instant.
Type d'écriture admirable que j'ai eu la chance de découvrir dans cette oeuvre autobiographique, et que j'avais d'abord redouté en lisant les premières pages, malgré un incipit flamboyant. La prose crue de Kerouac se libère des contraintes de la syntaxe et peut donner mal aux yeux à certains lecteurs, mais elle est ainsi analogue au contexte, souvent simplement survolé, de contemplation à laquelle se livre le héros. J'ai tôt fait de m'y habituer même si une petite part de moi me rappelait que la quantité des événements se traduit souvent une qualité plutôt pauvre. Pas juste dans les romans.
Nous pourrions comparer ces survols avec notre ceux de notre regard rivé sur la vitre de l'autobus qui file à toute allure à travers la ville, ou la campagne, et s'observer intérieurement pendant le trajet. Joies, peines, ressentiments et souvenirs, le tout même si l'on est accompagné.
Le roman est aussi le portrait de Dean Moriarty (Neal Cassidy pour ceux qui ont lu le rouleau original), et de toute une génération qui carbure à l'éphémère et à la fois, à l'intensité de l'instant. Génération hétéroclite, joyeusement bordélique et libératrice.
Étant grande fan de l'errance (les héros qui n'ont pas de prédestinations, les récits portés sur la contemplation des lieux, des gens etc..., les carnets de voyage etc...), le roman m'a ainsi gagnée d'avance, je dois l'admettre.
Les moments où le texte s'oriente davantage vers l'introspection (ou peut-être même l'extériorisation) du héros s'accompagnent d'un lyrisme qui aurait gagné à multiplier sa présence au long du récit.
Livre nous donnant envie de voyager en stop et en sac-à-dos. Avec du Miles Davis dans les oreilles et dans le coeur.
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