Dans ce sixième tome de l'Histoire de la Terre du Milieu, Christopher Tolkien poursuit l'étude chronologique des brouillons laissés par son père, mais il s'agit désormais de ceux de son magnum opus : Le Seigneur des Anneaux. Voir un génie à l'œuvre est toujours chose passionnante, et ici, cela s'accompagne du plaisir que l'on peut ressentir en découvrant tous ces « what if ? » qui parsèment les ébauches successives, surtout ici, dans les premiers stades de la rédaction, alors que Tolkien ne savait encore pas réellement dans quelle direction orienter sa suite du Hobbit. Et si Bilbo s'était marié ? Et si le héros du nouveau récit était son fils ? Et si Aragorn était un hobbit ? Et si Sylvebarbe était un géant allié à Sauron ? Tous ces aperçus d'une Terre du Milieu potentielle sont fascinants, même si l'on pousse souvent des soupirs de soulagement en découvrant ce à quoi on a échappé (si Frodo s'était appelé « Bingo », le roman en aurait vraisemblablement pâti). Le travail éditorial de Christopher est comme toujours irréprochable, mariant à merveille clarté et rigueur, et d'autant plus méritoire lorsqu'on voit, grâce aux fac-similés inclus dans le livre, à quel point l'écriture de son père pouvait être un cauchemar à déchiffrer.