"It was a dark road. I have come as I could."

Ce volume 11 de l'Histoire de la Terre du Milieu et son prédécesseur marchent main dans la main : les textes qu'ils contiennent datent de la même période (les années 1950-1960), et la séparation entre les deux n'est qu'une question de taille. Là où Morgoth's Ring s'attachait davantage à la première moitié du Silmarillion, jusqu'à l'exil des Noldor, The War of the Jewels prend la suite et offre les brouillons de la deuxième moitié de la Quenta Silmarillion, hélas jamais achevée par Tolkien. On y trouvera également un long excursus linguistique, Quendi and Eldar, qui ravira les amoureux du quenya et du sindarin.

Cependant, il me semble que le véritable cœur du livre se trouve dans sa troisième partie, avec le texte The Wanderings of Húrin (« Les Errances de Húrin »). Comme son titre l'indique, il retrace les déplacements de Húrin après la mort de son fils Túrin, lorsque Morgoth le libère. Réduits à une poignée de pages dans le Silmarillion publié, on découvrira ici un récit détaillé des déboires d'un héros épuisé, qui sème malgré lui chaos et destruction en Brethil, où il ne cherchait qu'à élucider la mort de son fils. The Wanderings of Húrin est pour moi l'un des plus poignants jamais écrits par Tolkien, peut-être encore davantage même que l'histoire de Túrin. Après tout, ce dernier n'est pas entièrement blanc dans les malheurs qui s'abattent sur lui : son orgueil et sa colère y ont une part non négligeable. À l'inverse, le Húrin qui apparaît ici est une figure terrible : un héros jadis noble et valeureux, mais que Morgoth a pris un vicieux plaisir à détruire, et qui n'est plus que l'ombre (sic) de lui-même. La frustration est grande de voir ce texte inachevé, et elle se mêle d'incompréhension lorsqu'on se demande pourquoi, pourquoi, pourquoi Christopher Tolkien a refusé de l'inclure dans Les Enfants de Húrin.