Ulysse
7.7
Ulysse

livre de James Joyce (1922)

Il en est des œuvres complexes, rebutantes, difficiles à critiquer, mais Ulysse tient sans doute la palme dans ce domaine. Roman au long cours dans sa construction (sept années d'écriture il me semble), véritable expérience littéraire tant dans la forme que dans le fond, le pavé de Joyce ressemble parfois à une épreuve tant il est ardu à lire et à comprendre.
Bien sûr on pourrait le résumer basiquement à la déambulation d'un personnage, Léopold Bloom, même si Stephen à droit à trois chapitres avant lui et que sa femme Molly clôt le récit ; prétexte à des rencontres, des réflexions, des dialogues, des souvenirs, des pensées, des rêves, qui permettent à l'auteur entre autres éléments autobiographiques de disserter sur l'Irlande, les Juifs , la société, la religion, le sexe, le mariage, les relations humaines...
Rien d'extraordinaire dans le sens où c'est ce que l'on trouve déjà chez Proust dans un autre style.


Mais le style, on y vient, est quant à lui autrement plus déroutant ! Dans sa volonté de faire vivre à ses personnages des épisodes de l'Odyssée, Joyce choisit de découper en dix huit chapitres tous écrits de manière différente son roman. On trouve ainsi un chapitre écrit comme une pièce de théâtre avec dialogues et didascalies, un autre sous forme de monologue intérieur, un autre est une conversation autour de la psychologie de Shakespeare dans ses œuvres, un autre est un catéchisme mathématique quand d'autres sont de la narration plus traditionnelle.
Enfin traditionnel est vite dit, car en ce qui concerne Ulysse rien n'est plus éloigné de la tradition que chaque ligne voir chaque mot du récit. Entre les auto références (on parlera d'ailleurs plutôt de réminiscences), les références à la littérature, au théâtre, à la poésie, à la musique, aux comptines et chants populaires, à la publicité, à la bible, il y a tant d'influences, d'emprunts, de références explicites et implicites que cela devient difficile d'y voir clair sans notes et notices.


Ce côté expérimental, audacieux, recherché jusqu'à l'extrême, se retrouve aussi dans l'écriture. On sent que Ulysse est écrit comme une suite de pensées dans la tête de personnages avec ce que cela implique de confusion, d'associations d'idées, de mots accolés les uns aux autres comme des mots valises, parfois de gloubi goulba et même d'hallucination pour tout un chapitre.
C'est disons-le parfois illisible, à se dégouter d'un chapitre (celui à l'hôpital par exemple que j'ai failli sauter tellement je ne comprenais plus rien et n'arrivai même pas à lire ces phrases sans aucun sens)... et puis l'on se retrouve rattraper par la manche avec un chapitre plus intéressant et plus facile à appréhender.
Cela demande beaucoup d'efforts de lire Ulysse et l'on qu'est peu souvent récompensé, trop peu à mon goût. J'ai parfois lu un chapitre en entier sans m'arrêter mais seulement trois ou quatre fois sur l'ensemble du récit. Et même si j'ai lu le tout assez vite malgré les souffrances parfois à me défaire de cette impression de lire des pans entiers sans rien comprendre au but recherché où même au sens des mots et des phrases, je dois avouer que je mes suis forcé par pure volonté de terminer ce qu'on peut vraiment qualifier d'épreuve.


Je ne suis pas sûr de jamais relire Ulysse. Il est difficile de critiquer et encore plus de noter un tel roman. Pour ma part je ne me suis que rarement passionné pour ma lecture... pourtant j'y suis revenu tous les jours et j'ai parfois souri, parfois lu avec délectation. Expérimental jusque dans les sensations de lecture, décidément.

ngc111
6
Écrit par

Créée

le 15 avr. 2021

Critique lue 109 fois

7 j'aime

8 commentaires

ngc111

Écrit par

Critique lue 109 fois

7
8

D'autres avis sur Ulysse

Ulysse
guyness
8

Heureux qui a fait un long voyage

Dans une critique restée dans de nombreuses mémoires, Templar évoquait le roman de James Joyce comme une cathédrale dans laquelle on entrait à travers un brouillard épais, avant d’en discerner peu à...

le 13 févr. 2014

60 j'aime

28

Ulysse
SanFelice
5

Dedalus

Décidément, ce roman, je n'y arrive pas ! Ulysse et moi, c'est une histoire d'incompréhension. Je suis parti sur de mauvaises bases et avec de mauvaises intentions. On m'avait dit qu'Ulysse était "le...

le 21 juil. 2014

38 j'aime

13

Ulysse
Tonton_Paso
10

Critique de Ulysse par Tonton_Paso

Pendant plus d'un millier de pages des irlandais mangent des patates et se bourrent la gueule dans des bars et des bordels. À la fin, la femme du héros se demande sur 200 pages sans aucune...

le 26 avr. 2011

32 j'aime

6

Du même critique

La Pierre et le Sabre
ngc111
10

Critique de La Pierre et le Sabre par ngc111

Musashi, du nom d'un célèbre samouraï, est bien plus qu'un roman ; c'est un récit initiatique, un parcours auquel on assiste, et dans lequel chacun pourra puiser inspiration, force, et même, si cela...

le 13 avr. 2011

39 j'aime

6

District 9
ngc111
4

Critique de District 9 par ngc111

Toute la partie en forme de parabole sur la ségrégation raciale et communautaire est intéressante, on assiste presque mal à l'aise à l'étalage de la barbarie humaine avec une variété d'attaques qui...

le 15 janv. 2013

32 j'aime

2

Mémoires d'outre-tombe
ngc111
10

Critique de Mémoires d'outre-tombe par ngc111

Je suis finalement arrivé au bout des Mémoires d'outre-tombe. Cela aura été un plaisir quasi-permanent malgré l'importance de l'œuvre et sa densité. Des milliers de pages réparties en 42 livres,...

le 26 sept. 2010

31 j'aime

9