Je ne sais pas si ce livre, comme l'indique la couverture, est une affaire d’État. C'est pour moi plus une accroche marketing pour faire vendre. Alors qu'il n'en a pas besoin. Un livre sur les années Hollande, en soi, c'est intéressant. Le monde va tellement vite, la France de Macron n'est plus celle de Hollande qui n'était plus celle de Sarkozy qui n'était plus celle de Chirac et ainsi de suite, c'est bon de se poser et il fallait bien huit cent pages pour retracer ce quinquennat hors normes.
Hors normes pour un président se voulant normal pendant sa campagne. C'est paradoxal. Avant de s'attaquer sur le fond, j'ai été surpris de le voir autant s'épancher auprès des journalistes. On dirait qu'il n'a fait que ça pendant cinq ans ! Déjà qu'un quinquennat, c'est court...Et encore, les deux auteurs, Davet et Lhomme, affirment qu'il s'est sûrement entretenu avec d'autres journalistes qu'eux. En clair, s'il avait peut-être travaillé un peu plus et parlé un peu moins...
Je suis méchant mais j'aime bien Hollande. C'est un brave type. Ils disent qu'il n'a pas de casserole et c'est vrai. Si on le compare à tous les présidents depuis Giscard, aucun n'est épargné...
C'est ce côté débonnaire qui l'aura perdu finalement. Déjà, son élection due à un concours de circonstances. C'était Strauss-Kahn qui aurait dû y aller. Est arrivé ce qui est arrivé à l'ancien directeur du FMI. Hollande démarre à 3 %. Il remporte la primaire puis bat Sarkozy. Première erreur de sa part. Croire qu'il y avait un désir de gauche. Les gens ne voulaient plus de Sarkozy, de sa vulgarité, de son goût pour le pouvoir, pour l'argent. Ce n'est pas pareil.
Une campagne, c'est bien beau. Il y a eu son discours du Bourget en janvier 2012 où il a pu enflammer les foules. Mais le propos dominant de Davet et Lhomme, c'est qu'en fonction il n'y sera jamais arrivé. Il aura vendu du rêve parce que c'est la campagne qui l'exige. Une fois en place, il est piégé. Isolé à l’Élysée. Seul. Et là, c'est le ciel qui lui tombe sur la tête. La liste est longue.
Il est confronté à la hausse du chômage consécutive à la crise de 2008 qui s'éternise. Hollande fait, en plus, la promesse folle d'inverser la courbe d'ici fin 2013. Las. Elle mettra trois ans. Au revoir la crédibilité. Ce sera son boulet. Ce ne sera pas le seul, en réalité.
Il doit composer avec un gouvernement de sensibilités différentes. Duflot, Montebourg, Taubira. Concrètement, les écolos et l'aile gauche du PS là où il regrette de ne pas s'être rapproché des centristes. Jamais, il ne sera parvenu à faire travailler ces différents courants ensemble. Le nombre de couacs est hallucinant. Je comparerai ça à un entraîneur de football. Si on veut qu'une équipe ait des résultats, il faut que tous les joueurs tirent dans le même sens. Là, ce n'était que des buts contre leur camp... Le Premier Ministre est censé servir de bouclier. Il n'en a rien été. Ayrault, l'ancien prof d'allemand, aura été beaucoup trop terne. Quant à Valls, il avait fait 5 % à la primaire socialiste...A part éventuellement pour sa popularité à l'Intérieur, je n'ai jamais compris pourquoi il avait été nommé à Matignon.
Tout le début du quinquennat, grosso modo jusqu'au tournant social-libéral de 2014, est considéré comme raté par Hollande lui-même. Quant à ce changement d'orientation comparable à celui de 1983, il ne sera pas compris par l'opinion. Ce qui aboutira à la loi Travail de 2016 et au blocage du pays pendant six mois. On ne peut pas blâmer les Français. Ce n'était pas dans son projet présidentiel.
Le projet. C'est ça qui aura manqué à Hollande. Les auteurs avancent tout ce qui lui a manqué justement. De la préparation alors que la gauche avait quitté le pouvoir depuis 2002. De la pédagogie. Une vision à long terme. Hollande ne sera jamais parvenu à se glisser dans l'habit présidentiel. Un habit probablement trop grand pour lui. Tout juste pourra-t-il se consoler en se disant qu'il ne l'aura pas davantage sali.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'aura pas eu de fulgurances ici ou là. Globalement, sa politique étrangère aura été réussi : organisation de la COP 21, le Mali, l'entente avec l'Allemagne, le sauvetage de la Grèce. Si malheureusement il aura eu sous sa présidence les pires attentats depuis la Libération, il se sera comporté en ces tristes occasions en vrai chef d’État... le temps de quelques jours. Une fois l'émotion passée, le quotidien reprend ses droits : les difficultés économiques, la montée du FN, les défaites électorales aux élections intermédiaires.
C'est difficile de détester Hollande comme c'est difficile de détester Chirac. Il a cette humanité que n'ont pas Sarkozy et Giscard d'Estaing. Comme Mitterrand, il aura été confronté à des problèmes économiques l'ayant empêché, je pense, d'appliquer vraiment ses idées. C'est quelqu'un de passionné par la politique, d'intelligent, de cultivé, connaissant ses dossiers. Un gestionnaire. D'ailleurs, le bouquin se termine sur les mots de Mitterrand : "après moi, il n'y aura plus que des comptables". Sous entendu, tout se joue à Bruxelles désormais. Le président français a moins la main qu'auparavant.
Il est plus complexe qu'il n'y paraît et peut-être que dans quelques années, pour lui aussi, on se dira que ce n'était pas si mal à son époque. Je ne veux pas forcément le réhabiliter mais c'est une autre conception du pouvoir qu'un Macron. Plus calme, plus tranquille. Peut-être pas adaptée à notre époque tout simplement.