Ça commence par un arbre, ça finit par une claque.

Je reste et resterai à jamais admirative des gens qui écrivent "avec un scalpel", une précision d'horloger suisse et qui, avec peu de mots, créent une oeuvre tellement nette, tellement vive que les images se fixent dans la rétine et le cerveau, et vous reviennent, des mois, des années plus tard, avec la même acuité. Les chansons de Brel en sont un exemple. L'investigation sur la scène de crime de McNulty et Bunk dans The Wire (S1, ép.4) en est un autre. Et l'écriture de Giono dans ce court roman est du même ordre. Tu l'auras compris, de premier ordre, comme on dit.


Au début, tu as un peu peur de te farcir un équivalent littéraire d'un téléfilm terroir un jeudi soir de novembre sur France 3. Et puis cette ambiance froide, cet hiver infini, cette neige qui crisse et ces taches rouges, un paysan piste un homme, et pof, tu es dedans. Aucune fioriture, tu sens la morsure du froid et tu remontes ton col, on est à la soixantième page de ton Folio et tu ne lâcheras plus le livre.


Très vite, tu t'intéresseras au capitaine Langlois, puis tu l'adoreras, puis après tu ne le comprendras plus. Peu d'auteurs de nos jours courraient le risque de troubler ainsi le lecteur, en lui présentant une évolution si brutale de leur personnage principal, mais Giono ne te prend pas pour une truffe, et s'il écrit dans une langue ultra précise et sans superflu, tu sens pourtant la complexité de ce Langlois, tu sens bien que rien n'est aussi simple que ce qu'on prétend te dire.


A la fin du bouquin, c'est le feu d'artifice niveau ressenti. Ce héros qui n'en est pas un, avec cet aplomb apparent, et ce quelque chose qui le ronge de l'intérieur... Comment l'as-tu deviné, puisque Langlois est décrit à travers les yeux des autres ? Tu ne saurais pas le dire, mais tu le sais. Et devant cette histoire violente, triste, mais si belle, cette écriture à demi-mot et pourtant si claire, tu te sens comme un gosse devant un prestidigitateur. Impressionné.


Tu t'es fait avoir, c'est sûr, mais ça en valait vraiment le coup.

Elosezhello
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le 11 août 2017

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