Un appel pour l'autonomie des femmes écrivains

La soeur de Shakespeare, si brillante poétesse qu'elle pût être, n'eût pu écrire un mot. A cela, il lui aurait fallu, comme à ses consoeurs du moment - en 1929 - , une autonomie financière, la possibilité d'isolement nécessaire que représente la "chambre à soi", éléments fort bien rappelés par Mieke Maaike, mais également un égal accès à l'éducation, similaire à celle de leurs congénères masculins.
Et c'est avec un bel humour et une ironie grinçante, en effet, empreinte de colère, qu'elle retrace une ségrégation de l'instruction et de l'accès à l'enseignement supérieur et aux bibliothèques, donc à la culture.
Cette éducation a des conséquences sur l'écriture, les femmes rédigeant encore majoritairement, en 1929, des romans, dont elles commencent seulement à s'émanciper : elles retranscrivent dans leur création une part de ce qu'elles ont reçu.
Et, si elles n'écrivent pas sur les hommes, l'auteur s'étonne de l'abondante littérature au sujet des femmes, qui constituent un inépuisable objet d'étude anthropologique.


Ce texte court, qui est la retranscription d'une conférence, est fait pour être lu. Il est incisif, piquant et interpelle. J'adhère à la thèse générale, qui semble aujourd'hui couler de l'évidence ; mais il demeure la question de l'auto-censure féminine dans l'orientation et des reliquats de discrimination dans l'accès à l'emploi et la rémunération.


Mercredi soir, je suis allé voir, avec un groupe d'Encore féministes, la représentation théâtrale de cet essai, interprété par Edith Scob, qui retranscrit l'ironie et l'aigreur de l'auteur. C'est un choix qui se tient et qui peut être justifié par la lecture de ce texte. Mais il aurait été possible d'opter pour une plus grande générosité dans l'humour.
La représentation est entrecoupée d'extraits sonores de la conférence elle-même, avec la voix de l'auteur, ce qui est une excellente idée. Et il me semble opportun de ne pas trop s'en inspirer dans l'interprétation, ce qui eût relevé d'une imitation émolliente et d'une créativité bien réduite.

Créée

le 20 sept. 2018

Critique lue 244 fois

1 j'aime

Critique lue 244 fois

1

D'autres avis sur Une chambre à soi

Une chambre à soi
AugustineSaint-Paul
10

1929, Un féminisme toujours d'actualité

"Je sais, vous m'avez demandé de parler des femmes et du roman. Quel rapport, allez-vous me dire, existe-t-il entre ce sujet et une chambre à soi?" C'est ce que Virginia Woolf tente de démontrer dans...

le 17 oct. 2016

22 j'aime

3

Une chambre à soi
ngc111
8

Critique de Une chambre à soi par ngc111

Essai basé sur des conférences que Virginia Woolf a donné dans des universités pour femmes, dont le sujet avait trait aux femmes justement et au roman, Une chambre à soi est une façon de répondre à...

le 20 avr. 2021

8 j'aime

2

Une chambre à soi
CélinaAnastasia_Kova
8

Critique de Une chambre à soi par Éprisede Paroles

Réel pivot entre une analyse introspective de la place de la femme dans le domaine littéraire et un rapport calibré sur la condition féminine occidentale, cet essai présente une cartographie ...

le 3 févr. 2019

6 j'aime

Du même critique

Conte d'été
AlexandreKatenidis
9

Un beau tiraillement amoureux

Gaspard, jeune homme ténébreux, arrive à Dinard, pour passer des vacances dans une maison prêtée par un ami, où doit le rejoindre Léna, sa petite amie. Il fait tout de suite la connaissance de...

le 18 juin 2018

7 j'aime

Vivre avec nos morts
AlexandreKatenidis
9

Comment vivre son deuil

Cette ministre du culte retrace son expérience dans l'accompagnement des familles en deuil. Pour cela, elle énonce les questions formulées de manière inéluctable dans ce cas, les blocages et les...

le 15 juil. 2021

6 j'aime

Alias Caracalla : Mémoires, 1940-1943
AlexandreKatenidis
9

Un monarchiste rentré en Résistance - Prix Renaudot 2009

Ce jeune monarchiste maurrassien, apprenti journaliste, est abattu par l'armistice signé par Pétain et rentre en Résistance. L'entrée en matière a de quoi faire frémir. Cet extrêmiste, porté par son...

le 20 sept. 2018

6 j'aime

2