Un livre à mettre entre toutes les mains pour combattre efficacement les violences sexuelles

Je me contenterai de citer des extraits qui reflètent certains points développés dans l'excellent ouvrage de Valérie Rey Robert.




LA CULTURE DU VIOL, C'EST QUOI?
« La culture du viol est la manière dont une société se représente le viol, les victimes de viol et les violeurs à une époque données. Elle se définit comme un ensemble de croyances, d’idées reçues autour de ces trois items. On parle de « culture » car ces idées reçues imprègnent la société, se transmettent de génération en génération et évoluent au fil du temps. »
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POURQUOI DES IDEES RECUES SUR LE VIOL?
« Différentes raisons, évidemment inconscientes, expliquent les idées reçues sur le viol. Cela protège la société, et en particulier les hommes, de minimiser l’importance des crimes sexuels. Elles servent également la théorie du « monde juste » dans lequel les mauvaises choses arrivent aux mauvaises personnes et les bonnes aux bonnes personnes. Dire que seule une fille qui « se conduit mal » peut être violée va renforcer l’idée qu’il ne peut rien arriver à celles qui « se conduisent bien ». C’est une théorie due à la propre vulnérabilité de celui ou celle qui l’applique : si le viol arrive à une bonne personne, comme j’en suis une également, alors cela peut m’arriver. Les mythes servent donc à dire que les personnes violées ont mérité ce qui leur arrive. Enfin, les idées reçues sur le viol servent à contrôler par la peur toutes les femmes. En leur inculquant que les femmes qui « se conduisent mal » (ce qui veut tout et rien dire mais passe par un contrôle des vêtements, des heures de sortie, des personnes fréquentées, de l’attitude, etc) risquent le viol, on bride la liberté de toutes les femmes, qui, pensent ainsi éviter d’être violées, vont limiter leur marge d’action. »
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L'EDUCATION PARTICIPE DE LA CONSTRUCTION SEXISTE DU MONDE
« Ce maintien des rôles genres traditionnels a des conséquences claires sur l’estime de soi, le rapport à l’autre et la résistance à la frustration. Si nous habituons les femmes dès leur plus jeune âge à obéir aux hommes, à leur faire plaisir, à les aider, pendant qu’on apprend aux hommes à se voir satisfaits rapidement, à avoir une tolérance basse à la frustration, alors cela aura des implications dans tous les domaines de la vie, sexualité incluse. »
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PERENITÉ DU SEXISME
Le sexisme = définit de deux manières :


1/ Sexisme hostile
« est définit comme le fait d’avoir des paroles et des actes ouvertement hostile envers les femmes. »
= violences physiques et sexuelles (que ce soit être l’auteur ou bien considérer que la victime l’a bien cherché), injures, harcèlement sexuel, propos ouvertement sexistes.



Les femmes sont vues comme des manipulatrices, des être vicieux.



2/ Sexisme bienveillant



« où les stéréotypes accolés au groupe dominé ne sont pas considérés comme dangereux pour les hommes ou pour la société. »
Les femmes sont vues comme des êtres purs et fragiles qu’il faut protéger comme des vases fragiles.
Cela fait des hommes protecteurs «exempts de tout comportement négatif ou sexiste puisqu’ils sacrifient leurs propres besoins au bénéfice des femmes. Il vise à rendre les femmes moins réfractaires au sexisme et à les maintenir dans un état clair de subordination ; il fait apparaitre des comportements paternalistes. »
Dans le cas des violences sexuelles : l'homme va dire que la victime aurait du savoir qu’elle ne devait pas sortir seule sans homme pour la protéger...



DU COUP
3/ La coexistence de ces deux sexisme = le sexisme ambivalent
« être à la fois hostile et bienveillant est d’une efficacité redoutable pour maintenir un groupe dans son état de subordination »
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« La transgression par les femmes du rôle genré traditionnel débouchera sur du sexisme hostile. »
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DU CONSENTEMENT ET DE LA DIFFICULTÉ À LE DÉFINIR
« Le consentement implique que les deux sujets qui consentent soient égaux. Pour que le consentement soit valable (« libre et éclairé »), il faut connaitre les termes complets du contrat et avoir un esprit clair pour ce faire. Beaucoup de féministes ont montré que les femmes avaient été oubliées du contrat social qui était donc également un contrat sexuel passé entre hommes et fondant la subordination des femmes. L’anthropologue Nicole-Claude Mathieu montrait que les femmes ne consentent pas à leur domination, mais que, comme toute classe dominée, elles sont dominées et oppressées, ce qui les empêche de comprendre totalement qu’elles sont opprimées. »
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INSTRUMENTALISATION RACISTE DU VIOL
« La plupart des médias français invitèrent des spécialistes de l’islam pour parler des accusations de viol contre Ramadan au lieu d’inviter des spécialistes des violences sexuelles. Si certains pensent que les actes qu’il a commis sont liés à l’islam, il faut le prouver. Sinon pourquoi rapprocher les viols du fait qu’il soit musulman? Il y a des millions de viol chaque jour dans le monde. Nul doute que les hommes musulmans violent également. Mais le font-ils parce qu’il sont musulmans? Les viols qu’ils commettent sont-ils différents de ceux commis par les autres? Y aurait-il des viols athées, des viols juifs, des viols catholiques, des viols bouddhistes? Les très nombreux articles laissèrent d’ailleurs une impression de malaise ; jugeait-on l’islam de Ramadan ou les viols qu’il avait commis? N’était-on pas en train d’utiliser et d’instrumentaliser les victimes pour parler de tout autre chose que ce qu’elles avaient subi? Si l’islam était la cause de l’attitude criminelle de Ramadan, n’était-on pas en train de dire aux femmes musulmanes violées qu’elles l’avaient bien un peu cherché en embrassant une pareille religion? »
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L'ATTITUDE DES HOMMES FACE AU VIOL
« Lorsqu’une femme dit avoir été violée, les hommes présents ont en général tendance à se montrer verbalement extrêmement violents avec l’auteur des faits, en expliquant ce qu’ils aimeraient lui faire. Au-delà du fait que ces paroles sont parfaitement stériles, elles renforcent une atmosphère de violences autour des femmes qui se trouvent prises entre la violence des hommes violeurs et la violence de ceux qui veulent les défendre. Si on pense la virilité comme une énorme part du problème en ce qui concerne les violences sexuelles, la convoquer pour les combattre est tout sauf une bonne idée. En témoignent tous les discours extrêmement violents qu’utilisent les hommes pour parler des agresseurs sexuels. Ils veulent les tuer, les castrer, leur arracher les couilles. »
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LE MYTHE DU "FANTASME DU VIOL"
« Si on dirige son propre fantasme, si on imagine telle scène ou telle autre, c’est que nous sommes maîtres et maîtresses de la situation et surtout que nous y sommes consentants. Il n’y a donc pas viol, tout au plus scène sadomasochiste, qui n’a rien à voir, profitons-en pour le rappeler, avec des violences sexuelles qui se définissent par le non-consentement. Le terme de « fantasme du viol » est donc impropre, non à cause d’une quelconque morale hors de propos, mais parce que ce sur quoi fantasment celles et ceux qui sont concernés n’est pas du viol par définition. »
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"L'HOMME PROPOSE ET LA FEMME DISPOSE"
« La sexualité hétérosexuelle française est fondée sur une sorte de jeu de dupes où les femmes ont l’impression d’avoir le pouvoir alors que cela n’est pas vraiment le cas. Impression de pouvoir dire non quand elles le souhaitent. Impression d’être maîtresse du jeu. »



« Ainsi, dans ce jeu de séduction, la femme a certes le pouvoir de dire oui ou non, mais en ayant appris, depuis son plus jeune âge, que les hommes ont des besoins sexuels à satisfaire et qu’ils peuvent devenir agressifs voire violents s’ils ne sont pas satisfaits. »



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A noter qu'à la fin du livre, Valérie Rey Robert propose des préconisations pour aider à lutter contre les violences sexuelles, comme déconstruire les stéréotypes de genre, et déconstruire la domination masculine (ces points sont bien entendu développés dans le livre).


« Je sais que je vais choquer en parlant de « population masculine » comme si je considérais que tout homme est un violeur. Faites une simple comparaison avec les campagnes de sécurité routière : elles s’adressent à toutes et tous, y compris celles et ceux qui n’ont jamais commis d’excès de vitesse ou conduit ivre au volant. C’est exactement la même chose ici ; un violeur n’a pas de profil particulier et il est impossible de prévoir les comportements à venir de chaque homme. Nous avons vu précédemment qu’à 98% les violeurs sont des hommes, voilà pourquoi il faut s’adresser à la population masculine, spécialement les jeunes hommes. »


A lire absolument!

Leava
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Créée

le 22 août 2019

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