Quand on est lecteur, on a tendance à toujours élever notre niveau d’exigence et il est sûrement difficile quand on est écrivain de contenter ce constant niveau ascensionnel d'exigence. Certains ratent et déçoivent puis se refont, ou pas, alors notre niveau d'exigence baisse. L'une de mes craintes quand je referme un roman après l'avoir avidement dévoré est ne plus trouver de quoi satisfaire mon gargantuesque appétit. Bernard Minier m'avait déjà donné de quoi bien me satisfaire et j'ai eu peur, je l'avoue, en tournant les premières pages d'UNE PUTAIN D'HISTOIRE, de me sentir de nouveau comme avec M.Chattam et d'être déçue, de devoir revoir à la baisse ce niveau d'exigence qu'est le mien. Pourtant Bernard Minier réussit et me tient. Je suis tombée dans ses mots comme un junkie dans la poudre. Il me nourri et m'abreuve de pages, de suspens et d'énigmes et je n'arrive pas à m'en lasser. Pourquoi le voudrais-je ?


Minier laisse, cette fois, son personnage fétiche de côté et nous emmène dans une toute nouvelle aventure, de l'autre côté de la terre, au large de Seattle. UNE PUTAIN D'HISTOIRE, n'a rien à voir avec le thriller policier dont on avait l'habitude avec Minier. Cette fois, le roman se découpe en chapitre, tantôt raconté par un narrateur omniscient, tantôt par le personnage principal Henry, 16 ans. Après le meurtre de sa petite-amie, l'attention de tous les habitants de l'île se tourne vers lui et dépasse les rivages de l'archipel d'îles sur lequel ils vivent. Un homme politique de grande envergure, en place de devenir gouverneur, et son homme de main, pas toujours très net, vont soudainement s'intéresser à lui. Pourquoi ?


Si la perspective d'une narration à la première personne du singulier, d'autant plus par un adolescent de 16 ans, m'avait laissé au début assez réfractaire, j'ai rapidement changé d'avis au bout d'une vingtaine de pages. Henry, le personnage principal, autour duquel toute l'attention gravite est un adolescent somme toute banal. Ses amis aussi. Ses deux mamans également. Les caïds du coin ne faisant pas exception. Et c'est là que réside l'une des clefs de la réussite de Minier : ses personnages. On rencontre rarement des personnages aussi bien construits et on rencontre encore plus rarement un roman dans lequel TOUS les personnages sont aussi finement travaillés. Rien n'est laissé au hasard, pas même la ressemblance de l'un deux à Philip Seymour Hoffman (merci monsieur Minier pour ses références culturelles dont vous ponctuez vos romans, et merci d'autant plus à la discrète référence à Seaworld).


Il serait très compliqué de faire un synopsis complet d'UNE PUTAIN D'HISTOIRE tant elle est tordue cette histoire justement. Le style de Minier n'a rien à envier à celui de ses confrères français ou même américains ou suédois. Si le roman commence tranquillement, ce n'est que le calme avant la tempête. Le suspense monte doucement à mesure que l'on tourne les pages. Cela faisait des années qu'un roman ne m'avait pas tenu en éveil durant cinq heures d'affilés : bonjour nuit noire. Cela faisait aussi un bon bout de temps que l'un d'eux ne m'avait pas empêcher d'éteindre la lumière après l'avoir terminé. En tournant les cent dernières pages, je ne m'était pas aperçu de l'état dans lequel m'avait mis ce roman. Comme au cinéma devant une scène angoissante à la musique stridente, mes doigts s'enfonçaient dans la couverture et froissaient les bas de pages en les tournant, mes yeux n'arrivaient pas à se focaliser sur une ligne tant ils étaient pressés de passer à la suivante et mon cerveau envisageait, plus que rapidement, de nouveaux dénouements possible à chaque détail anodin que l'on pouvait rencontrer. Je vous mets au défi de vous arrêter, passés les 300 pages.


Cependant, l'intérêt d'UNE PUTAIN D'HISTOIRE ne tient pas qu'à son suspens, à son style fluide et à ses personnages finement travaillés mais aussi et surtout à son dénouement. Aucunes de mes hypothèses ne se révéla justes. Certaines s'approchaient quelque peu de la vérité mais je ne m'étais jamais douté d'un tel final. Il existe un mot, un seul mot dans notre dictionnaire qui parvient à résumé cette histoire : Machiavélique.


Et puisqu'il faut donc le noter à présent, alors allons-y : une intrigue prenante et parfaitement maîtrisée, un style technique et fluide qui nous arrache doucement à la réalité, un suspens ascensionnel qui nous transforme en êtres assoiffés de réponse et des personnages complexes et surtout vrais, travaillés à l'épi près...Comment ne pas avoir de scrupules à ne pas donner un 20 ?


Suspense : 5/5


Scénario : 5/5


Personnages : 5/5


Style : 4,75/5


UNE PUTAIN D'HISTOIRE, Bernard Minier: 19,75/20


Plume de crime-

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le 1 mai 2015

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