Une Terre Promise du Président Obama est un livre dense, riche, passionnant. Il donne de l’énergie, de l’espoir, nous incite à rechercher ce qu’il y a de meilleur en nous. Cependant, il n’élude pas tout ce qu’il y a de laid dans ce monde. La guerre, l’extrémisme, le racisme. Et pourtant, sa lecture fait du bien. Premier tome des mémoires de Barack Obama au sujet de ses deux mandats présidentiels, ce livre est néanmoins plus que le simple compte rendu de l’action du président.


Comme beaucoup l’ont souligné, le livre est feuilletonnant. Divisé en vingt sept chapitres et sept parties, les fins de pages laissent souvent le lecteur le souffle coupé ! La forme est plaisante, elle permet de lire de façon fluide et de vouloir tourner frénétiquement les pages. Mais en dehors du plan formel, le style est également un point fort de l’ouvrage. Ce n’est pas juste un récit, il y a une véritable ambition littéraire. On sent un auteur attentionné, à la plume aiguisée, empreinte de lyrisme sans pour autant tomber dans l’emphase.


Ce qui rend la chose aussi lyrique, c’est qu’il ne s’agit pas simplement d’un livre sur les deux premières années de présidence Obama. Si on devait classer ce livre dans un genre, ce serait définitivement celui de l’autobiographie. Car même après avoir raconté son parcours politique dans l’Audace d’espérer, Obama y revient ici en détails. Mais en plus de raconter ses débuts difficiles en politique, Obama raconte aussi sa famille. Sa mère Ann, sa Gand mère Toot, ainsi que son grand-père. Il raconte les valeurs qui lui ont été inculquées par sa famille. Comme sa mère qui un jour, apprenant qu’il harcelait un de ses camarades d’école, lui demandait quelle genre de personne il voulait être. Une personne qui aide les gens ou qui leur fait du mal ?


Et de façon étrange, là réside la source de la vocation d’Obama, la lecture de l’ouvrage le montre de façon assez limpide. A chaque fois qu’il a eu le choix entre une solution facile et difficile, il prenait la difficile comme le fait si justement remarquer son épouse, Michelle. Obama avait tout pour avoir une carrière brillante, avec des revenus confortables et pourtant, il s’est constamment tourné vers les autres mu par une ambition étrange. L’idée de grandeur de l’Amérique. Ce pays miraculeux vieux de près de 200 et qui est aujourd’hui la seule superpuissance mondiale. Une Amérique qui peut beaucoup mais qui fait parfois si peu, si mal. Mais qui parvient aussi à trouver de la grandeur. A révéler le meilleur en chacun. Et qui crée des destins à la Obama.


Un certain idéalisme. Croire en la grandeur de l’Amérique. Embrasser le Yes We Can. Ainsi, on passe de l’étudiant austère perdu dans ses rêves, au père de famille qui hésite à se lancer au politique devant les réticences de sa femme. Cependant, on sent que c’est son destin, les portes du sénat s’ouvrant à lui, ses collègues lui disant que c’est son moment, notamment cette scène dans le bureau de Ted Kennedy où ce dernier lui apporte son soutien.


Obama est aussi un portraitiste incisif. Il ne s’économise jamais d’une bonne description de ses interlocuteurs dans cet ouvrage. Pour le bonheur de certains, et pour le malheur d’autres. Il semble estimer le président russe Medvedev et la chancelière allemande Merkel, là où on sent poindre un zest de mépris envers le président brésilien, Lula. Mais davantage que les homologues d’Obama, il est plaisant de lire le respect qu’il a pour ses subordonnés, le général McChrystal par exemple, ou encore son ministre de l’énergie Steven Chu (prix Nobel de physique, au rôle déterminant dans la résolution de la crise de Deeepwater, forage pétrolier raté de BP). Cela vaut aussi pour son premier directeur de cabinet, Rahm Emmanuel, ou encore le directeur de la CIA John Brennan. Enfin, le respect qu’il a pour Smantha Power, ancienne ambassadrice américaine à l’ONU.


Et c’est lorsqu’il parle de son gouvernement et de son job que son regard devient le plus passionnant. Si une décision remonte jusqu’au président, c’est qu’elle est difficile à prendre et qu’il n’y a pas de certitude quant à son issue. On découvre alors un homme qui tient à ce que tous les points de vue s’expriment. Le cas de la crise économique de 2008 en est le meilleur exemple. Mais aussi les guerres en Afghanistan et en Irak. La traque de Ben Laden. Les tractations avec les républicains.


On apprécie également ses analyses stratégiques et historique. Notamment au sujet de l’Iran, de l’Egypte et même des ambitions de la Chine communiste.


Toutefois, on sent enfin un homme un peu désabusé. Désabusé devant la montée de Trump et du truisme, préfiguré par l’irruption de Sarah Palin et du Tea Party en 2008. Désabusé par la frivolité de la presse, qui se concentre sur l’accessoire et en oublie l’essentiel, à cet égard, l’affaire de l’acte de naissance. Désabusé enfin, que les moyens qui lui ont permis de mobiliser sa base par des motivations saines, à savoir la participation populaire, la délibération, l’écoute, ces mêmes moyens, à savoir internet et les réseaux sociaux, permettent maintenant la désinformation et la propagande la plus éhontées.


Et c’est là que l’on sent le sens le plus profond du propos. Les guerres que mène l’Amérique contre les autres en deviennent anecdotiques en comparaison aux guerres que mène l’Amérique contre elle-même. Qu’en est-il du Moyen Orient quand les gens en Amérique ne parviennent plus à collaborer ensemble ? Où les gens sont tellement divisés qu’ils n’ont plus d’autres ambition que de bloquer comme les républicains au congrès.


 Malgré cela, l’espoir est toujours là. Car l’intelligence finit toujours par triompher. Et ce livre, il n’en manque pas d’intelligence.


Andika
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le 15 déc. 2020

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