Comme vous je ne connaissais Virginie Despentes que comme auteure de romans et de films pornographiques. Lassée du sujet un peu trop répétitif elle a ici fait le pari de changer radicalement de domaine pour se faire la portraitiste d'une galerie de personnages représentatifs d'un microcosme de notre époque, celui des musiciens et de ceux qui les entourent. Il est assez difficile d'entrer dans le livre et d'avoir de l'empathie pour cette cohorte de drogués immatures, de marginaux lubriques et autres perturbés du bocal, mais le style et l'imagination de l'auteure arrivent malgré tout à nous intéresser grâce à quelques éléments de vérité sociale et psychologique.


Ainsi le héros au blase bizarre,Vernon Subutex, est un vendeur de disques victime de la crise de l'industrie du disque qui se retrouve du jour au lendemain SDF. Contraint de trouver des ami(e)s voulant bien l'héberger, sa recherche d'un canapé à squatter est le fil rouge prétexte à des portraits au vitriol. Les anciennes connaissances sont le plus souvent devenues des victimes du mal de vivre actuel (à moins d'être devenues des bourreaux). L'un de ses potes s'est fait larguer par sa femme avec qui il formait jadis un joli couple d'amoureux romantiques, à la suite des torgnoles qu'il exerçait sur elle. La mère sympa d'un ancien copain est devenue folle de douleur après la mort par overdose d'un de ses fils. L'ancien copain en question se retrouve dans le coma après avoir été frappé dans la rue par des voyous. Une ancienne actrice porno a changé de sexe, la fille d'une autre actrice X est devenue islamiste. Le transsexuel dont Vernon est amoureux le quitte sans état d'âme pour un mec plein aux as qui jette finalement Subutex à la rue.


On le voit, s'il y a de la musique dans le livre c'est du post-punk sombre. Le No Future s'est transformé en Présent Impitoyable.


Le livre n'est pas dépressif pour autant, l'auteure passant rapidement d'un personnage à l'autre avant qu'il ait eu le temps de trop nous ennuyer. Virginie Despentes, l'air de rien, se défoule avec des personnages féminins pas vraiment romanesques mais pleins d'énergie belliqueuse tels Sylvie la bonne copine accueillante qui se transforme en furie qui traque Subutex dans tout Paris. Une ignoble journaliste nommée La Hyène prend son pied en dislikant violemment à tout-va et en détruisant perfidement toutes les réputations. (Toute ressemblance avec des personnes existant réellement serait par ailleurs pure coïncidence). Chez les clodos on a une géante rousse qui fout un coup de boule à un autre SDF.


Vernon Subutex le personnage principal passe souvent au second plan derrière les autres personnages plus hauts en couleurs. Modeste et passif, il est ballotté au gré des événements et son parcours ressemble à un raccourci de la trajectoire de la génération punk. Mais en fin de compte il finit par s'élever jusqu'au plus haut niveau de conscience. L'évocation du souvenir de son ami disparu le chanteur Alex Bleach (et l'écoute de Voodoo Chile) provoquent une mutation psychique alors qu'il se trouve au fond du trou et qu'il tape la manche devant le Prisu. Il est soudain touché par la sagesse cosmique et développe une faculté de perception absolue...

Zolo31
7
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le 5 sept. 2018

Critique lue 278 fois

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Zolo31

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