Même souci "intersubjectif" que dans ses oeuvres précédentes, nous sommes perdus avec trop de personnages et trop de tour de passe-passe dans la narration au travers de leur point de vue. Mais en dépit de cela et incontestablement Despentes progresse au fil des années qui passent. Son regard sur la société et ses parties constituantes est plus précis, plus acéré, encore moins complaisant qu'auparavant.
Le véritable progrès tient au fait que dans "Vernon Subutex" elle ne s'enfonce pas dans la narration d'une idylle névrosée sur fond de sexe, de drogue et de rock, mais dépeint bien le portrait d'une société d'aujourd'hui - avec sa décadence et son évolution, ses nouveaux codes, son matérialisme extrême, sans craindre de la faire parfois apparaître sous sa face la plus sombre et la moins optimiste sans se départir de l'humour un peu noir et cruel (mais tellement libérateur) qui la caractérise.
Au final il y a une sincérité rafraîchissante chez Despentes, une résistance à la douleur du monde et donc un potentiel talent. Celui de nous faire circuler dans les différentes classes de la société et de nous forcer à regarder nos propres abjections jusqu'à nous réconcilier avec elle par la lucidité à laquelle elle nous invite.