Dès les premières pages, nous prenons connaissance de la complexité du personnage qu’est Bardamu et du style très particulier de Louis-Ferdinand Céline. Son style est d’une fluidité fulgurante. J’ai trouvé que son style permettait une lecture très rapide, tout en comprenant l’intégralité. On se faufile aisément tout au long du livre.


En quelques mots, Bardamu est un homme qui déteste la guerre sous tous ses aspects. Il fuit cette guerre en errant à travers le monde. Son voyage en Afrique à travers la compagnie Pordurière au Togo nous expose une vive critique de la colonisation. Il présente les colons comme des êtres répugnants, sans gênes, rongés par les maladies dues à la chaleur et aux mauvaises conditions d’hygiène, abrutis par l’alcool et leur avarice. Lorsqu’il côtoie Alcide, nous avons affaire à un homme bien plus humain que les autres présentés par Céline auparavant.


Lorsqu’il voyage en Amérique, là aussi l’histoire est captivante. Il émet une critique du capitalisme, notamment à travers l’industrie cinématographique. Lorsqu’il voyage à Détroit pour travailler dans l’industrie automobile, il nous rend compte de la stupidité et de la dureté de la tâche des ouvriers chez Ford.


Et bien-sûr l’histoire avec la famille Henrouille est extraordinaire ! La vieille belle-mère qui ne veut sortir de sa cabane ; le fils et sa femme qui essaye de la faire interner ; les fomentations avec Robinson, qui désespéré est appâté par le gain ; que de plaisir (et de tristesse) !


Parce que oui, ce roman est pessimiste, froid et bien souvent d’une grande tristesse. On voit la misère, la faim, la profondeur des sentiments humains, l’attitude désespérée de Bardamu face à l’humanité.


L’histoire entre Robinson et Madelon a grand intérêt. Ici, Céline développe l’amour maladif que peuvent avoir des humains entre eux.


D’ailleurs, la vision qu’a Céline des femmes est très intéressante, il les vénère tout en les reniant (en quelques sortes). Son attitude m’a parue assez ambiguë, mais digne d’intérêt. On voit précisément un décalage entre la relation qu’entretient Robinson avec Madelon et celle entre Bardamu et cette même femme.


Je trouve que ce roman est très intéressant au niveau historique, que ce soit au niveau des colonies françaises de l’époque, de l’arrivée massive du travail à la chaine ou de la vie d’un pauvre médecin urbain à ce siècle.


La fin m’a parue assez plate, mais que faire de plus après ce sursaut inattendue (je vous laisse la découvrir seul).


Ce livre est pour finir un voyage au bout de l’Homme, de sa psychologie la plus dure et pour moi peut-être, la plus réaliste. Cet ouvrage n’est certainement pas là pour égayer vos soirées, mais plutôt pour vous rendre compte de la complexité de l’Homme, de ses relations et du monde qui l’entoure.


Je vous mets une petite sélection de citations marquantes :



"On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la volupté."



"La vérité c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer moi."



"La vie c’est ça, un bout de lumière qui finit dans la nuit."



"Faire confiance aux hommes c’est déjà se faire tuer un peu."


GregMeynard
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le 1 juin 2017

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