Lorsque Stevenson entreprend la traversée des Cévennes, sur près de 200 kilomètres, c'est pour méditer ses peines et suspendre un temps les tracasseries de sa pourtant douillette existence. Il a 28 ans, est écossais et protestant, nous sommes en 1878.
Un siècle et demi plus tôt, la région s'embrasait dans le soulèvement des maquisards; conséquence de la révocation de l'édit de Nantes qui prohiba le protestantisme sur tout le territoire et entraîna sa répression systématique.

Des circonstances parmi d'autres qui engagent le jeune écrivain dans sa longue marche solitaire, à une époque où de telles excentricités relevaient encore de la pure conduite oiseuse et aristocratique.
Il n'est cependant pas interdit de penser la même chose aujourd'hui.
Malgré la déférence circonspecte que lui témoignent donc les autochtones et l'a priori raisonnable qu'il entretient à leur égard, Stevenson esquisse un portrait prudent et emphatique du pays et de son histoire, et lègue un instantané d'une région à une époque donnée.

Prise sur le motif, l'évocation se fait au fil de la marche, dont les rigueurs sont exposées et commentées avec éloquence. Étape après étapes, Stevenson tient le journal des évènements et des rencontres qui jalonnent sa pérégrination, et même s'il se livre à quelques digressions sur les gens, leur paysage, son âne et le sens de son pèlerinage, l'essentiel de son récit s'attache au rapport circonstancié des jours qui se succèdent, et aux états d'âmes qui les accompagnent.

Ce n'est sans doute pas le texte le plus mémorable de l'auteur, mais sans parler du bonheur intact de sa prose, il reste le témoignage lucide d'un arpenteur en terre presque étrangère, et est digne des meilleures chroniques de ce type.
J'ai l'ai lu en faisant moi-même le parcours (mais pour des raisons purement récréatives), qui correspond maintenant au GR70 et demande une grosse semaine de marche plutôt pépère. Des ânes peuvent même être loués, mais à prix d'or.
Ce n'était pourtant pas la première fois que je me laissais piéger de cette façon, et l'adage s'est encore une fois vérifié: Mieux vaut choisir ses lectures aux antipodes des lieux visités…
Le semaine suivante, je lisais La Route de McCarthy sur une plage corse.
Gauche-a-Droite
7
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le 5 avr. 2014

Modifiée

le 7 avr. 2014

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Gauche-a-Droite

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