Traduit en justice
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Dans ce long roman, Fiodor Dostoïevski développe une intrigue centrée sur le personnage de Raskolnikov, qui dès les premières pages planifie et commet un crime : il tue une veille femme prêteuse sur gages et sa sœur, qui fait malheureusement irruption sur la scène du crime à ce moment-là. Acte fondateur du roman, ce crime est le point de départ de nombreuses réflexions et émotions du personnage principal, qui se retrouve confronté à la culpabilité et à l’angoisse de la traque policière. Le dialogue, occupant une place extrêmement majoritaire dans l’oeuvre, rend l’intrigue haletante et nous projette dans la tête du personnage, dont on sera poussé à questionner les réactions, qui semblent souvent incohérentes, reflétant à mon sens le travail de l’auteur autour des défauts et incohérences de l’être humain. Le contexte social et la pauvreté des protagonistes sont très présents, constituant la toile de fond d’une intrigue qui nous fait ressentir le mal-être de nombreux personnages, dont celui de Sonia, qui se prostitue pour subvenir aux besoins de sa famille, composée de son père alcoolique, de sa belle-mère démonstrative et de trois jeunes enfants. Raskolnikov compare son crime (un double féminicide) à celui de la prostitution (contrainte) de Sofia, ce qui peut être questionné d’un point de vue contemporain, cependant la représentation méliorative du personnage de Sonia, femme prostituée, me parait intéressante et assez atypique. De façon générale, l’auteur sait se moquer de personnages abjects, on peut particulièrement apprécier à cet égard le portrait cinglant fait de Loujine, un bourgeois souhaitant épouser Dounia, la sœur de Raskolnikov, et tentant d’accuser à tort Sonia d’un vol. Raskolnikov n’hésite pas à affirmer que Sonia vaut mieux que cet aristocrate avare et bien sûr sexiste. De plus, le personnage de Svidrigaïlov, dépeint comme un prédateur pour les femmes, est fortement déprécié dans son portrait et par ses actions, notamment dans la narration de son projet de mariage avec une jeune fille de seize ans, ou de la séquestration qu’il fait subir à Dounia. Il est possible d’analyser ce personnage dans un parallélisme avec Raskolnikov, puisque Svidrigaïlov est clairement nommé responsable du décès de son ex-épouse Marfa et donc également auteur de féminicide. Il choisira, contrairement à notre héros qui finira au bagne, la première voie possible esquissée par le roman face à la culpabilité du crime : le suicide.
La lecture de ce roman ne peut se faire sans la prise en compte d’un élément narratif et intertextuel important, celui du passage biblique de la résurrection de Lazare, permise par le Christ, qui est mobilisé à plusieurs moments de l’intrigue. Ce motif de la résurrection nous permet de questionner la théorie de Raskolnikov qui pense que de “grands hommes” peuvent tuer pour se lancer dans leur réussite, le crime permettant ainsi leur "renaissance", comme lui espérait obtenir les conditions matérielles de son ascension sociale en tuant la prêteuse à gages. On appréciera aussi les mentions de la théorie politique socialiste d'époque, importante en cette période pré-révolutionnaire.
Ainsi, c’est la peinture précise et prenante des caractères des personnages qui nous tient tout près de l’intrigue durant ces presque mille pages, mais aussi le contexte social de l’histoire et les considérations philosophiques autour desquelles elle s’articule, qualités qui en font selon ma lecture un très bon roman.
8.5/10
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Créée
le 6 juin 2025
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