Il fait assez peu de doutes que cet essai fut écrit impromptu, sans rigueur de fond comme de forme, aux phrases interminables et aux conjectures irrationnelles, dans une organisation bâclée où les efforts du lecteur sont d'autant plus conséquents que ne l'ont été ceux du rédacteur.


Il s'agit bien de mythologie dans le traitement de cet ouvrage, d'une fantaisie puérile, sortie non de la nature comme l'auteur le prétend, mais bien de sa piètre imagination empressée de sélectionner des faits, ceux qui s'accordent à ses candides théories, n'hésitant point à rejeter les exemples précités aussi fervemment qu'ils ont pu servir à étoffer son discours.



Voilà précisément le degré où étaient parvenus la plupart des peuples sauvages qui nous sont connus ; et c’est faute d’avoir suffisamment distingué les idées, et remarqué combien ces peuples étaient déjà loin du premier état de nature, que plusieurs se sont hâtés de conclure que l’homme est naturellement cruel et qu’il a besoin de police pour l’adoucir, tandis que rien n’est si doux que lui dans son état primitif, lorsque placé par la nature à des distances égales de la stupidité des brutes et des lumières funestes de l’homme civil, et borné également par l’instinct et par la raison à se garantir du mal qui le menace, il est retenu par la pitié naturelle de faire lui-même du mal à personne, sans y être porté par rien, même après en avoir reçu.



Aussi l'auteur se plait à parler de Vérité, à l'instar des récits bibliques, enjoignant du lecteur la même crédulité, la même inculture pour pouvoir embrasser les arguties du funeste prédicateur de la féralité. Il n'est guère de science dans le texte, c'est par un incroyable mésusage de la raison, sinon des boursouflures d'un égo atrophié, que l'on parviendrait à la reproduction d'un tel outrage aux facultés humaines. Accepter ce discours ne fait que montre de la faiblesse d'esprit des approbateurs abouliques, que tout persuade avant même de douter, pour peu que leur médiocrité n'eût été expliquée par un endroit différent de leurs défaillances personnelles.


Avant d'entrer dans les considérations de l'apprenti philosophe, il conviendra de préciser la nature précipitée de l'ouvrage, à travers l'omission conséquente de l'organisation sociale de l'homme, depuis son état de nature jusqu'à son état de droit, puisque selon toute vraisemblance, c'est seulement par le rapport à l'autre que l'on peut juger des inégalités, et que par conséquent, la qualification physique et morale de l'homme de nature ne représentent qu'un immense hors-sujet, gonflant ainsi un discours honteusement vide de toute réflexion.


Faire la critique du bon sauvage de Rousseau n'aurait pas plus de sens que de faire la critique d'un personnage de roman. L'objet de la critique vise seulement à pointer les incohérences de la pensée rousseauiste qui tiennent finalement en peu de mots. La nature est la créatrice des inégalités, de fait comme de droit, les seconds se fondant sur les premiers. La nature est en mouvement perpétuel, l'évolution n'est pas le privilège de l'homme, son entendement lui permet de concurrencer les changements naturels, d'où émanent les changements anthropiques. Ce sont bien ces modifications de l'ordre naturel que la question initiale impliquait et que Rousseau a vilement travestie pour faire étalage de toutes ses idées asiniennes.


L'homme à l'état de nature est bon, nous dit-il. Pour le prouver, il invoque la pitié naturelle des animaux ; raison d'autant plus stupide que ce subjectivisme moral nous est transmis par la voie religieuse et constitue déjà de fait un paralogisme dans la distinction du bien. Mais pour Rousseau, le bien objectif chez l'animal désigne toute action concourant à la conservation de l'espèce dont la pitié ferait apparemment partie ; dès lors affirmera-t-on que seules les espèces végétaliennes sont bonnes car les conflits qui résultent chez les carnivores, les omnivores ou même les végétariens sont autant d'arguments contre leur conservation que de limites à leur prétendue pitié.


Il y a tant à redire sur cet ouvrage, faudrait-il me payer pour que j'en fasse une critique complète et surtout que je le relise. Si je lui ai attribué la note de 2, c'est pour le paragraphe suivant qui n'a rien à voir avec son sujet, comme d'ailleurs l'intégralité du livre.



Quoi qu’en disent les moralistes, l’entendement humain doit beaucoup aux passions, qui, d’un commun aveu, lui doivent beaucoup aussi : c’est par leur activité que notre raison se perfectionne



Finalement, que dire de ce livre, sinon que son titre est scandaleusement erroné ; les errements de Rousseau sur la nature humaine eût été plus approprié. Que la manière dont sont exposés les arguments montre l'absence d'une pensée agglomérée, à l'instar d'un vulgaire article de sociologie, avec un résultat complètement biaisé, donnant grande raison aux présupposés de l'auteur. Mais le reproche principal que l'on se doit de faire à ce discours, c'est que rien n'a été dit et que tout reste à dire, ce qui est fâcheux, compte tenu de sa longueur.

kaireiss
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le 1 nov. 2021

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