le 27 févr. 2016
On va tous mourir
Si vous vous êtes toujours intéressé à ces grandes civilisations qui ont dominé leur partie du monde avant de disparaître, Effondrement est pour vous. Comment les Mayas, guerriers et bâtisseurs de...
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Effondrement est ma première entrée en matière en ce qui concerne les livres traitant de la question écologique -- comme d'autres, venus initialement d'autres champs disciplinaires, prenant le train en cours de route. Pour être plus précis, j'avais acheté ce livre à l'époque, en partant du principe qu'il s'inscrivait dans la grande tendance du moment de la collapsologie. Aujourd'hui, après avoir terminé ce livre, je me rends compte de deux choses : la première, c'est que cet ouvrage a sans doute contribué en effet à l'expansion de ce courant de recherche. La seconde, c'est que l'impression que je m'en faisais était largement fantasmée. Loin de la figure de l'écologiste radical, Diamond est un vieil universitaire issu d'une famille américaine aisée, dont le champ des recherches s'est progressivement élargi, passant d'une thèse de physiologie sur la vésicule biliaire à l'étude des relations entre les sociétés humaines et leur environement à la fin de sa carrière. C'est cette partie qui va nous intéresser ici.
Contrairement à ce que j'avais pu m'imaginer, Diamond n'a rien d'un prophète de l'apocalypse, prêt à pourfendre nos sociétés capitalistes corrompues. Si son livre traite bien de la disparition des sociétés passées (Mayas, Vikings du Groenlands, sociétés des îles du Pacifique, etc), ce n'est pas pour nous sermonner, mais bien pour nous avertir. Les écosystèmes sont fragiles. Et la survie des sociétés humaines est toujours dépendante d'une multitude de facteurs interconnectés, si bien qu'une problématique isolée peut vite aboutir à une série de problèmes difficilement surmontable. De mémoire, parmi les facteurs qui peuvent enrayer la survie des sociétés humaines, on trouve ce que je nommerais : des facteurs environementaux qui découlent de l'activité humaine (tels que la dégradation de la qualité des sols, les problématiques agricoles, la réduction de l'accès aux ressources, en bois, en eau, en gibier...) ; des facteurs environementaux non humains (tels que la période du petit âge glaciaire ou les effets des éruptions volcaniques par leur capacité à fertiliser les sols) ; et enfin des facteurs essentiellement humains (notamment le facteur démographique, qui joue un rôle important, notamment dans la difficulté à détenir un nombre suffisant de ressources pour faire vivre sa population et le risque de conflits internes, qui d'après l'auteur, résultant souvent d'une crise pré-existante, vient alors jouer le rôle d'accélérateur de la crise).
Effondrement est d'abord un livre d'histoire qui nous fait voyager : de l'île de Pâques à la société Maya ; des Vikings qui ont colonisé le Groenland et ont aussi bien côtoyé les Inuits que les amérindiens, 500 ans avant Christophe Colomb au Japon féodal qui a dû faire face à la problématique d'une pénurie de bois ; du génocide des Tutsis au Rwanda (pour lequel il insiste largement sur les causes matérialistes au-délà du conflit ethnique et post-colonial) à l'Australie minière, vaste continent désertique, dont les activités alimentaires sont menacées (par des sols pauvres, salins et largement irrigués de façon artificielle pour ce qui est de l'agriculture et la surexploitation en ce qui concerne la pêche). C'est à mon sens la plus grosse richesse de ce livre : partant d'une grille de lecture identique, il nous donne à découvrir des situations variées, qui s'étalent aussi bien dans le temps que dans l'espace. Et à titre personnel, j'ai appris vraiment beaucoup de choses. Je ne dirais pas sa faiblesse, mais du moins sa limite, c'est son style. Effondrement est un livre volumineux écrit dans le style universitaire le plus formel. Scientifiquement rigoureux et peu porté à l'hararisation de la vulgarisation, il n'est pas aisément accessible à un public profane.
Qu'en retenir aujourd'hui, en 2025, soit 20 ans après la date de sa publication originelle ? Ma foi, à mon sens, Effondrement constitue à la fois un livre actuel et légèrement daté. Daté, car si les effets du changement climatiques étaient déjà visibles il y a 20 ans, c'était à une toute autre ampleur que ce que nous pouvons observer aujourd'hui. Et actuel, parce que les problématiques qu'ils traitent sont intemporelles. Et s'il s'attarde davantage sur le constat que sur les solutions, c'est néanmoins un premier échantillon de connaissances qui nous permet de savoir où se trouvent les limites et de pouvoir agir pour les prendre en compte, à l'échelle locale ou globale.
Si Diamond esquisse la possibilité de crises sociales humaines, il ne l'avait sans doute pas entrevu sous la forme d'une montée des nationalismes au sein de nos démocraties libérales et d'une partie des pays émergents en ce XXIème siècle naissant. Reste à savoir si les conséquences de tels changements nous amènent à une fuite-en-avant autoritaire, ou si, au contraire, elles présagent d'un rétrécissement du commerce à un niveau plus régionnal. Il n'avait pas connu le ralentissement de nos économies : des Etats-Unis à la Chine. Quant aux projections démographiques, elles ont, je crois, été largement revues à la baisse depuis cet ouvrage. Et on estime actuellement qu'on devrait atteindre un pic d'un peu plus de 10 milliards aux alentours de 2050, majoritairement alimenté par l'Afrique et par l'Asie.
En bref, Effondrement est un livre que je recommande vivement, en particulier à ceux qui ne sont pas familiers de ces thématiques. Il offre une vision globale d'une partie des problématiques écologiques modernes, dont le contenu est engageant et le constat rude, mais sans être morose.
Créée
le 25 mai 2025
Critique lue 7 fois
le 27 févr. 2016
Si vous vous êtes toujours intéressé à ces grandes civilisations qui ont dominé leur partie du monde avant de disparaître, Effondrement est pour vous. Comment les Mayas, guerriers et bâtisseurs de...
le 5 oct. 2015
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Si on s'intéresse aux mécanismes d'effondrement des sociétés complexes et leurs causes, ce livre est essentiel. Je trouve néanmoins que l'auteur se perd parfois dans des détails et des répétitions...
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