Avec un peu de retard, je raccroche les wagons question univers parallèle et textes annexes à la grande saga du binoclard balafré avec Harry Potter et l’enfant maudit. Afin de planter le décor – et de prévenir ceux qui ne seraient pas au courant – sachez qu’il s’agit, à l’origine, d’une pièce de théâtre qui s’est jouée à Londres et que l’on a retranscrit sur papier pour tous les fans qui n’ont, tout simplement, pas pu se déplacer jusque là-bas. De fait, le texte n’est pas un récit, mais un empilement de lignes de dialogues avec quelques didascalies et précisions sur l’ambiance, les déplacements des personnages ou leur apparence physique. Rien de plus. L’histoire se passe également juste après l’épilogue du septième tome de la saga, avec Albus Severus Potter qui entre en première année à Poudlard. Et c’est lui qui, aux côtés de Scorpius Malefoy, va être le héros de cette séquelle.


Sans spoiler l’intégralité du texte, je peux d’ores et déjà dire que j’ai été particulièrement déçue de ma lecture. Certes, j’ai apprécié de retrouver un peu de cet univers qui m’a tant émue et transportée autrefois. Certes, j’ai été contente de revoir certains personnages avec quelques années de plus (ou pas). Mais, ça s’arrête là. Je ne sais pas quelle a été la part d’écriture de J.K. Rowling sur ce récit – écrit à 3 mains de ce que j’ai compris – mais, de bout en bout, j’ai eu l’impression de lire une fanfic de piètre qualité.


Alors, attention, je n’ai absolument rien contre les fanfictions. J’en écris moi-même (sur HP et sur d’autres univers) et j’en ai lues des très bonnes donc, sur le principe, ça ne me pose pas de problème. Mais encore faut-il qu’elle soit respectueuse de l’univers d’origine. Un univers soigneusement travaillé par Rowling, qui regorge d’informations à droite, à gauche (que ce soit dans les livres ou sur Pottermore), qui est riche, fourni, tout en laissant une marge de manœuvre incroyable aux fans à l’imagination débordante ; mais qui contient tout de même des personnages au caractère bien défini et certaines règles établies clairement. Caractère et règles qui ne sont pas respectés ici.


Du fait que l’histoire d’origine soit une pièce de théâtre, on se retrouve là avec des personnages emblématiques placés à des endroits stratégiques simplement par souci de facilité. Mais, si on reprenait ceux d’origine, on se rendrait compte que ce n’est bien évidemment pas à ce poste-là qu’on les retrouverait (ça ne colle pas avec leur histoire personnelle ni avec leur tempérament). Idem, l’attitude de certains n’est pas raccord avec celle du matériel d’origine, mais s’explique par le fait qu’il est nécessaire au scénario qu’ils se comportent ainsi. Ensuite, certains protocoles ou objets sont ici raccourcis ou utilisés d’une certaine façon afin de rentrer dans l’espace-temps de la pièce, alors qu’ils sont censés prendre des semaines ou ne pas être utilisables de cette manière. Le pire étant tout de même que l’histoire se base sur une hypothèse qui n’est pas plausible ni même logique lorsque l’on connaît un tant soit peu l’univers potterien.


Donc, au final, nous avons un récit qui démarre sur un postulat non-viable, avec des personnages posés ici et là parce que ça fait plaisir aux fans de les voir, mais qui sont, soit hors des clous, soit inutiles. Le tout accompagné d’un enchevêtrement d’incohérences et d’ellipses temporelles saupoudrés de dialogues mièvres et plats, qui provoquent un fort sentiment de lassitude et de peine pour une œuvre qui aurait pu être bien meilleure.


Voilà pour la partie sans spoils. Pour la suite, je vous conseille d’avoir lu le livre (ceci étant, je ne rentrerais pas dans tous les détails, seulement les plus gros points noirs du texte).


Le postulat de départ : et si Voldemort avait eu un enfant ?


Euh… je crois qu’on n’a pas dû croiser le même Voldemort. Le Voldemort que je connais n’a aucun intérêt à procréer (de manière naturelle ou non, d’ailleurs). Son but ultime dans la vie, c’est de ne pas mourir. De traverser les siècles sans jamais vieillir ni même perdre de sa puissance. Que ses gènes soient transfusés de génération en génération via une ribambelle de moutards, ça ne l’intéresse pas. Ce n’est pas lui. Voldemort est égoïste, égocentrique et égocentré. Il ne pense qu’à sa pomme et n’en a rien à faire des autres (c’est bien pour ça qu’il peut tuer qui il veut sans même cligner des yeux). C’est un gosse, en fait : il a peur de mourir, il veut que tous les regards soient fixés sur lui et que tout le monde lui obéisse. Les seuls sentiments qu’il connaisse, ce sont la peur, la colère et la haine (et on lui accorde une pointe de plaisir sadique). Le reste, il ne connaît pas.
Donc : 1/ l’idée même d’avoir un gosse ne lui effleurera jamais l’esprit. 2/ aucune femme ne trouvera jamais suffisamment d’intérêt à ses yeux pour qu’il remarque sa présence. 3/ n’éprouvant absolument aucun sentiment amoureux ou même d’attachement à qui que ce soit, il est fort peu probable qu’il se soit envoyé en l’air avec un être humain (ou quoi que ce soit d’autre).


Hermione Granger, ministre de la Magie


Sérieusement, j’ai énormément de mal à imaginer Hermione à ce poste. Ne serait-ce que parce que, déjà, d’un point de vue charisme, elle est zéro (dois-je rappeler son lamentable échec avec la S.A.L.E. et son front de libération des Elfes des maison ?).
Ensuite, ce n’est pas vraiment dans son tempérament de commander. Elle est, certes, très organisée et prévoyante (elle anticipe le départ précipité du terrier avant le mariage de Fleur et Bill), mais dans le trio de héros de la saga d’origine, l’élément moteur demeure globalement Harry. Et, même dans le tome 7, c’est Ron qui prend la décision de parler Fourchelangue et d’aller chercher les crocs de Basilic pour détruire la coupe d’Helga Poufsouffle. Hermione, c’est le cerveau de la bande. Elle cherche les infos, elle fouille, elle fouine, elle débusque, mais elle ne prend pas de décision.
Et enfin, je la voyais plus avoir un trajet à la Minerva McGonagall, qui a commencé par travailler au Ministère (sans être ministre) avant de s’orienter vers le poste qu’on lui connaissait tous à Poudlard. Ou, plus que professeur, avoir un travail qui lui permette d’alimenter en permanence sa soif de savoir (je ne sais pas s’il y a des scientifiques à proprement parlé dans le monde magique).
Dans la logique des choses, Kingsley aurait eu plus sa place en tant que ministre de la Magie. Dans la logique de la pièce, Hermione est mieux placée que Ron (trop timoré) ou Harry (plus homme de terrain que bureaucrate).


Le duo Albus/Scorpius


Sur le principe, associer les rejetons des deux anciens ennemis, ça ne me pose aucun souci. Maintenant, c’est tellement téléphoné, tellement peu naturel comme construction, que ça coince. Nous avons ici deux gamins qui, en plus d’avoir les prénoms les plus importables de la planète (même pour des sorciers), supportent aussi le poids du passé de leur paternel respectif (la gloire pour le premier, la déchéance pour le second) et qui décident de faire ami-ami parce que. Oui, seulement « parce que ». Parce qu’ils ont des points communs : les prénoms, le lourd héritage parental, l’affiliation à Serpentard, leur statut de perdants ++, leur asociabilité et leur incapacité à faire les choses bien. Un duo de pieds nickelés affublés de deux bras gauches chacun, qui va prendre une décision très lourde de responsabilités alors qu’ils sont incapables de lancer un sort correct (mais qui, curieusement, vont réussir ceux qu’ils entreprennent dans le passé…). Un duo maladroit, naïf et obstiné dans ses c*nneries, mais qui, de temps à autre, fait péter les éclairs de génie sortis de nulle part parce que c’est pratique sur l’instant (les sortilèges lancés contre Cédric, la résolution de l’énigme dans le bureau d’Hermione, la façon dont Scorpius convainc Rogue…). Un duo, enfin, qui se câline à répétition sans raison (sérieusement, quels ados de 14 ans se font des câlins à qui mieux-mieux alors que, manifestement, ça les rend mal à l’aise dès le premier ?).


Retourneur de temps et polynectar


Alors, d’après mes souvenirs, on ne peut utiliser les retourneurs de temps que sur les heures précédentes (même si je ne sais plus qui évoque le fait que leur utilisation est dangereuse dans le sens où on pourrait par exemple empêcher sa propre naissance ou se tuer soi-même, ce qui sous-entend des bonds temporels beaucoup plus grands). Or, dans ce livre, les retourneurs sont utilisés pour retourner une vingtaine d’années en arrière. Plus étrange encore étant ce retourneur de temps qui ne semble fonctionner que 5 minutes dans le passé (c’est le cas pour Scorpius et Albus), mais qui fonctionne beaucoup plus longtemps lorsque Delphi s’en sert.
Autre souci, le polynectar. Lorsque le trio magique en créé pour la première fois dans le tome 2, il leur faut un mois pour parvenir à terminer sa fabrication (parce qu’il y a une influence du cycle lunaire ou un truc dans le style). Là, quelques heures suffisent pour en fabriquer. Certes, McGonagall évoque un moment la disparition d’ingrédients spécifiques à la fabrication de cette potion ; cependant, à cet instant, le duo n’a aucun intérêt à en fabriquer.


Severus Rogue


En très grande fan du directeur de la maison Serpentard, j’ai été très contente de revoir Rogue debout sur ses deux guibolles. Néanmoins, j’ai été très vite déçue par ce qu’il était devenu. Un professeur plutôt agréable, qui se laisse convaincre en deux coups de cuillère à pot par un ado de 14 ans et qui tutoie ses anciens élèves. Sérieusement, je m’attendais presque à le voir faire un high five avec Hermione (c’est du même acabit que le T-rex et les vélociraptors de Jurassic World qui se programment une bouffe après avoir savaté le grand mutant).
Je veux bien que Scorpius lui révèle des trucs que personne d’autre n’est censé connaître, mais rendez-vous compte que, dans cette dimension, il existe un Scorpius qui n’a absolument rien à voir avec le Bisounours qui se présente face à lui. Sachant qu’en plus il met en danger toute la rébellion à révéler ainsi ce passage secret à ce Scorpius étrange (qui pourrait très bien être sous Imperium ou être quelqu’un d’autre métamorphosé par le Polynectar) ; la façon dont Rogue cède face au rejeton Malefoy ne me convainc pas.


D’autres aspects du texte me déplaisent également, mais l’essentiel est posé. Le récit est mièvre en plus d’être incohérent, et souffre du fait qu’il n’est qu’une pièce de théâtre à l’origine (rythme expéditif, personnages parachutés, raccourcis scénaristiques, etc.). C’est mignon, mais ce texte n’a du succès que parce que la saga qui le précède existe.

NicodemusLily
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le 5 mai 2018

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NicodemusLily

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