Harry au Pays des Mangemorts.
Cette fois-ci je l'annonce, j'approche de la fin d'une ère. La fin d'un plaisir coupable, d'une gourmandise littéraire dont je connais parfaitement la saveur : Harry Potter. Que cela signifie-t-il ? Pas grand-chose, je crois, simplement que la relecture des sept tomes est tout sauf imminente, et que c'en est la fin de cette tradition inconsciente qui me poussait à relire au moins un HP par an. Ce n'est pas que je suis lassé ou autre chose, car la lecture de ce tome 6 a été extrêmement plaisante et tout sauf contraignante (ça aurait été un comble, sinon!). En fait, j'ai l'impression qu'Harry Potter m'a cette fois-ci apporté tout ce dont j'avais besoin, et que la seule ressource restant dans le livre et dont je peux tirer profit est le plaisir gentillet qu'il y a à se replonger nostalgiquement dans les fondements de son être, dans cette enfance merveilleuse et dorée qui, vous l'aurez compris, habite une bonne partie de l'année à Poudlard. Alors voilà : ce tome-ci, je finis le 7, et c'est fini.
Que dire de ce « Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé » qui n'ait pas déjà été dit ? Rien. Alors cela risque d'être assez basique, assez parallèle aux autres critiques. Ce tome démontre un ancrage certain dans la noirceur, qui s'instille par de menus détails brisant avec une autre part lumineuse du roman. A bien des égards, le tome 6 d'Harry Potter est moins sombre que le précédent ("Harry Potter et l'Ordre du Phénix »). Effectivement, si la situation, le contexte est plus terrible que jamais (je vais y revenir), on retrouve ici de nombreux phares éclairant les abysses d'un monde que l'on sent se décrépir : les sentiments amoureux (et pas les sortes de soubresauts hormonaux qu'il éprouvait pour Cho Chang) qu'Harry nourrit envers Ginny apportent par exemple quelques touches d'espoir bien sympathiques au livre. Il est également fort présent au Terrier, et je ne peux m'empêcher d'apprécier cette atmosphère réconfortante diffusée par les personnes qui s'y trouvent. L'amitié d'Harry envers ses deux acolytes est plus forte que jamais (même si entre Ron et Hermione, tout ne va pas pour le mieux... Mais encore une fois, la cause de leur tracas est amoureuse, ce qui semble enlever la gravité à la situation, sans pour autant en dérober la subtilité). Le Quidditch apporte également sa part de joie, puisque Harry est capitaine. Enfin, une de mes scènes préférées du roman reste l'enterrement d'Aragog, chef-d'oeuvre d'humour, très joliment tourné. J'ai beaucoup apprécié.
A l'opposé de ces effluves de joie et de rigolade, on trouve la noirceur grandissante du monde de la sorcellerie, dont le paroxysme sera atteint au tome 7. Hermione ponctue le roman de mauvaises nouvelles annoncées via la gazette du sorcier : comme une sempiternelle annonciatrice de mauvais augure, elle relate disparitions, meurtres, phénomènes inquiétants... Et surtout, le roman est tirée hors de la lumière par la genèse de Voldemort, suivie par Harry et Dumbledore. Effectivement, on s'intéresse ici à la naissance du mal, à toutes ces coincidences et ces choix délibérés qui ont conduit Voldemort hors des sentiers de l'amour, de l'amitié, et qui l'ont extirpé au final de tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une humanité. Ainsi, grace à la pensine, on rejoint la jeunesse de Voldemort, car on le sait bien, c'est souvent dans le passé qu'il faut rechercher les clés pour comprendre le présent et même ici, l'avenir...
La relation entre Harry et Dumbledore devient vraiment très intéressante, très belle. On commence véritablement à cerner les sentiments qu'éprouvent Dumbledore à l'égard de Harry, et surtout, la puissance de ces derniers.
Le style de Rowling est idéal. Elle atteint des sommets d'efficacité, alliant justesse des mots et puissance d'un style au porte du minimalisme parfois. C'est un plaisir que de suivre les aventures de Harry au milieu de ce château dont on commence à connaître les moindres recoins. Bref, une grande auteure, à n'en pas douter, malgré le fait qu'Une Place à prendre ait été un calvaire pour moi: http://www.senscritique.com/livre/Une_place_a_prendre/critique/17348409).
Ce tome présente donc un équilibre bienfaisant, oscillant perpétuellement entre les belles choses de la vie et les nobles sentiments, fait qui ont toujours été vantés dans la saga Harry Potter, et les fait sombres s'accumulant, et atteignant à la fin du roman une puissance dramatique que l'on peut saluer. C'est pour toutes ces raisons que le tome 6 est un de mes préférés, un des tomes les plus accessibles et pourtant une étape d'engagement irréversible et nécessaire vers la fin complexe de cette héroïque saga qu'est Harry Potter.